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Le discours d'Obama signale un retrait du Moyen-Orient

Le président américain met en garde contre toute « décision irréfléchie » et contre le risque « d’être entrainés dans des conflits inutiles » lors d'un discours qui n'évoque que brièvement le Moyen-Orient

New York – Le discours du président américain sur l'état de l'Union constitue un élément incontournable du calendrier politique et s’adresse habituellement à un public local. Ce fut le cas cette année, Barack Obama ne faisant que de rares allusions au Moyen-Orient. Celui  avait pourtant représenté à d'autres périodes un élément central de la stratégie américaine.

Dans son discours, Barack Obama a déclaré que les Etats-Unis étaient désormais moins dépendants du pétrole étranger, a salué le retrait des troupes d'Irak et d'Afghanistan, et a présenté une vision nationale de « l'économie de la classe moyenne » impliquant le besoin de taxer les riches afin de permettre aux Américains moyens de bénéficier de la reprise économique.

« Ce discours traite de la classe moyenne, pas du Moyen-Orient », a déclaré à Middle East Eye (MEE) Joshua Landis, professeur à l'Université d'Oklahoma. « La vision d'Obama est basée sur la force nationale et la nécessité de montrer l'exemple et de prendre part aux coalitions internationales. 

Il s'est efforcé de ne pas évoquer le Moyen-Orient, ce qui est astucieux. »

Lors de ce sixième discours sur l'état de l'Union, Barack Obama a mis en garde contre toute « décision irréfléchie » et contre le risque « d’être entrainés dans des conflits inutiles ». Selon lui, « un leadership américain plus intelligent » implique de collaborer avec des dirigeants étrangers pour lutter contre le terrorisme, « de l'Asie du Sud à l'Afrique du Nord ».

Il a tout de même évoqué certains sujets liés au Moyen-Orient, comme par exemple les discussions relatives au programme nucléaire iranien, les combattants de l'Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie ainsi que les efforts internationaux pour lutter contre la violence de l'extrémisme islamique, en faisant référence au massacre de Charlie Hebdo à Paris.

Il a toutefois fait abstraction d'autres sujets tels que l'Egypte, la Libye, la promotion de la démocratie ou le Printemps arabe. Il n'a mentionné Israël qu'une seule fois, lorsqu’il a fait brièvement allusion aux alliés des Etats-Unis, et sans évoquer les négociations de paix avec les Palestiniens, qui sont actuellement au point mort.

« Le Moyen-Orient est chaotique. Il n'y a pas de réponse, personne n'en a », a indiqué à MEE Allan Lichtman, professeur à l'American University. « Cette question ne pouvait pas être mentionnée dans un discours qu'Obama a souhaité optimiste et positif. »

Cependant, lors de son discours sur l'état de l'Union, Barack Obama a abordé certains des problèmes qui touchent le Moyen-Orient.

L'Iran

Les négociations entre Téhéran et six puissances (la Grande-Bretagne, la Chine, la France, l'Allemagne, la Russie et les Etats-Unis) ont été prolongées jusqu'à la fin du mois de juin dans l'espoir d'obtenir un accord visant à contenir le programme nucléaire de l'Iran qui, craint l’Occident, pourrait générer des armes nucléaires. « Pour la première fois depuis dix ans, nous avons interrompu le développement du programme nucléaire [de l’Iran] et réduit ses réserves de matériaux nucléaires », a déclaré Barack Obama.

Il a indiqué à un Congrès à majorité républicaine qu'il opposerait son véto à toute nouvelle sanction à l'encontre de l'Iran, précisant que celles-ci ne feraient que nuire aux négociations. « Le peuple américain attend de nous que nous entrions en guerre uniquement en dernier recours », a-t-il ajouté.

Tamara Wittes, membre de la Brookings Institution, un think-tank basé dans le district de Columbia, explique que Barack Obama craint que de nouvelles sanctions américaines non seulement incitent Téhéran à abandonner les négociations mais nuisent également aux groupes de nations qui participent au contrôle de l'Iran.

« Que l'on aboutisse à un accord ou non, la coalition internationale est ce qui a poussé l'Iran à prendre part aux négociations jusqu’à présent, et c'est elle qui permettra de continuer à le contenir à l'avenir », a-t-elle indiqué. « Afin de préserver la coalition, il est important que les Etats-Unis soient perçus comme étant de bonne foi et faisant tout leur possible pour que les négociations aboutissent. »

L'Etat islamique

Une coalition de pays occidentaux et arabes, dirigée par les Etats-Unis, s’efforce de combattre l'EI, aussi connu sous l'acronyme EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant), une milice religieuse extrémiste qui contrôle de vastes portions de territoire de part et d'autre de la frontière entre l'Irak et la Syrie.

Barack Obama a indiqué que le gouvernement américain « freinait la progression de l'EIIL », mais a précisé que cette « mission prendrait du temps ». Il a exhorté le Congrès à adopter une « résolution autorisant l'usage de la force à l'encontre de l'EIIL », actuellement examinée dans le cadre de l'autorisation adoptée par le Congrès en 2002 pour la guerre en Irak.

Certains analystes ont prévenu que la victoire contre l'EI prendrait des années, voire des décennies, et qu'elle nécessiterait des efforts internationaux accrus à l'encontre de l'extrémisme islamique. Allan Lichtman, professeur à l'American University, observe qu'il n'y a aucune volonté de déployer un grand nombre de troupes américaines en Irak ou en Syrie.

« Certains néoconservateurs souhaitent peut-être relancer les guerres américaines au Moyen-Orient, mais le peuple américain s'y opposera. Comme nous l'avons constaté au Viêt Nam, le soutien de la population est indispensable pour mener une guerre », a-t-il déclaré à MEE.

Israël-Palestine

L'établissement de la paix entre Israéliens et Palestiniens a représenté une priorité de politique étrangère pour Jimmy Carter, Bill Clinton et d'autres présidents américains. Les résultats se sont avérés décevants. Les récentes négociations menées par les Etats-Unis sous l'égide du secrétaire d'Etat John Kerry en avril dernier ont tourné au vinaigre.

Dans son discours, Barack Obama a mentionné Israël une seule fois, et sans aborder la question des négociations de paix avec les Palestiniens. Les récentes critiques américaines à l’encontre de la tentative d'adhésion de la Palestine à la Cour pénale internationale (CPI) ne sont pas le fait du président ni de John Kerry, mais d’officiels de rang inférieur.

Ian Bremmer, président du groupe Eurasia, une entreprise spécialisée dans l'analyse de risques politiques, constate que John Kerry a gâché un temps précieux pour des négociations vouées à l'échec. « Le fait que le plus important diplomate au monde y consacre ses deux premières années est condamnable », a-t-il précisé. « Ce n'est pas que je ne souhaite pas trouver une solution, au contraire. Mais ce n'est pas ce que nous faisons. »

L'extrémisme religieux

Les attaques perpétrées à Paris par des extrémistes islamiques dans les locaux du magazine satirique Charlie Hebdo et un supermarché kasher ont remis la lutte internationale contre l'extrémisme religieux à l'ordre du jour.

Barack Obama a souligné la nécessité de lutter contre le terrorisme via une coalition de gouvernements étrangers. Dans une série de remarques d'ordre général, il a condamné « les stéréotypes offensants à l'égard des musulmans » mais a choisi de « défendre la liberté d'expression ». Il a indiqué qu'il avait « interdit la torture », assuré que l'utilisation de drones était « correctement limitée », et renouvelé sa promesse de fermer le centre de détention de la baie de Guantánamo qui abrite des terroristes présumés.

Selon Joshua Landis, une coopération renforcée avec les gouvernements du Moyen-Orient dans la lutte contre l'extrémisme éclipserait les appels à la démocratie dans cette région qui fut le théâtre des soulèvements du Printemps arabe.

 « Oubliez la démocratie, nous devons recommencer à soutenir les autocrates égyptien et saoudien ainsi que le nouveau gouvernement irakien », a-t-il résumé pour MEE. « Il s'agit avant tout d'une question de sécurité, de lutte contre le terrorisme et contre la montée de l'extrémisme islamique dans une région qui est vaste, pauvre et armée jusqu'aux dents. »

Légende photo : Barack Obama s’adressant au Congrès américain lors de son discours sur l'état de l'Union le 20 janvier 2015 (AFP). 

Traduction de l'anglais (original).

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