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Libye : l’unité est « difficile mais pas impossible »

« La communauté internationale doit continuer à soutenir les efforts de dialogue et résister aux appels à la levée de l’embargo sur les armes », affirme l’International Crisis Group

Selon les analystes, la communauté internationale, qui a refusé l’appel de l’Egypte à une intervention militaire en Libye, est confrontée à un défi de taille : trouver une solution politique à la crise qui touche ce pays du Maghreb en proie à l’anarchie.

Suite à la décapitation cette semaine par l’Etat islamique (Daech) de vingt-et-un hommes, pour la plupart des chrétiens coptes de nationalité égyptienne, le Caire a lancé des frappes aériennes contre les militants du groupe en Libye et a appelé à la formation d’une coalition internationale pour lutter contre l’Etat islamique.

Les Etats occidentaux et arabes ont toutefois reculé face à la proposition d’intervention militaire, et ce mercredi, l’émissaire de l’ONU Bernardino Leon a déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU que le seul remède au traumatisme libyen était de nature politique.

En outre, tant les Etats-Unis que la Grande-Bretagne s’opposent ouvertement à l’idée de laisser entrer davantage d’armes en Libye.

« Le problème est que la Libye ne dispose pas d’un gouvernement efficace qui a la mainmise sur son territoire », a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, ajoutant qu’« il n’y a pas d’armée libyenne que la communauté internationale puisse soutenir efficacement ».

La Libye a tout d’abord besoin de mettre en place un gouvernement d’union nationale, a souligné Philip Hammond. « Mais si nous ne faisons que fournir en armes l’une ou l’autre des factions, ce qui est essentiellement ce qui a été proposé, cela ne nous amènera pas à une résolution de la crise libyenne, et ne rendra pas l’Europe plus sûre, mais plus fragile », a-t-il argumenté.

La porte-parole du département d’Etat américain Jennifer Psaki a indiqué que la position américaine relative au maintien de l’embargo sur les armes n’a pas changé. « Il permet les transferts nécessaires pour soutenir le gouvernement libyen tout en donnant au Conseil de sécurité la possibilité de se prémunir contre le risque élevé de détournement des armes au profit d’acteurs non étatiques. »

« Résister aux appels à la levée de l’embargo »

Claudia Gazzini, de l’International Crisis Group, a déclaré qu’un accord politique serait « difficile, mais pas impossible à atteindre ».

« La communauté internationale doit continuer à soutenir les efforts de dialogue et résister aux appels à la levée de l’embargo sur les armes », a indiqué l’analyste.

La Libye est inondée d’armes et les milices rivales se disputent le contrôle des villes et des ressources pétrolières du pays. Deux gouvernements et parlements rivaux s’affrontent, l’un à Tripoli et l’autre à Tobrouk.

D’après un diplomate de l’ONU, lever l’embargo sur les armes reviendrait à jeter de l’huile sur le feu.

Depuis que les efforts de dialogue ont été initiés en septembre, Bernardino Leon n’a pas été en mesure de réunir les principaux acteurs des camps rivaux.

Jusqu’ici, la principale réussite de l’émissaire de l’ONU a été d’avoir initié la semaine dernière des pourparlers « indirects » entre le gouvernement de la Chambre des représentants, basé à Tobrouk, et le gouvernement du Congrès général national, qui siège à Tripoli.

Les observateurs estiment cependant que les efforts visant à rapprocher les deux camps seront sans effet tant que leurs factions armées respectives ne s’assiéront pas à la même table.

La Chambre des représentants est soutenue par le général Khalifa Haftar, tandis que le Congrès général national est appuyé par les forces d’Aube de Libye.

« C’est très difficile, mais avec le dialogue, tout est possible », pense l’analyste libyen Khaled al-Hetch.

Haftar, un « obstacle » à la solution politique

Selon lui, une solution serait de « donner à Haftar le poste qu’il veut », celui de dirigeant suprême des forces armées de Libye, en échange de la formation d’un gouvernement d’unité composé de représentants des deux camps.

Cette semaine, Tarek al-Jerouchi, un parlementaire qui participe aux pourparlers, a déclaré que certains dirigeants mondiaux souhaitaient que le parlement qu’ils soutiennent, la Chambre des représentants, évincent Haftar de l’échiquier.

Une exigence que soutient Ibrahim al-Karaz, professeur de sciences politiques à l’université de Tripoli, qui considère Haftar comme un « obstacle » à une solution politique.

Ce dernier a également critiqué l’intervention de l’Egypte dans la crise libyenne.

« L’Egypte et les autres pays de la région doivent cesser de s’ingérer dans les affaires libyennes. Ce sont les interventions étrangères qui compliquent tout processus politique », a-t-il expliqué.

Selon les analystes, la situation a été rendue encore plus confuse par le fait que chaque faction rivale en Libye dispose de ses propres soutiens régionaux. L’Egypte, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite soutiendraient Haftar, tandis que le Qatar et la Turquie seraient derrière Aube de Libye.

« Ces pays sont en train de mettre le feu aux poudres », a déclaré Saad Djebbar, un analyste basé à Londres.

« La Libye est le théâtre d’une lutte d’influence entre régions et tribus. Chacun veut avoir son mot à dire. La communauté internationale doit rassurer l’ensemble des acteurs et leur faire comprendre qu’ils ont tous leur place dans la nouvelle Libye. »
 

Légende photo : combattants d’Aube de Libye à un poste de contrôle mobile situé à l’entrée ouest de la ville de Syrte, le 18 février 2015 (AFP).

Traduction de l'anglais (original).

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