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« Nous mourrons à Tripoli avant de laisser Haftar prendre le contrôle de notre ville » : les Libyens se préparent à affronter Haftar

Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir ce mercredi d’urgence et à huis clos au sujet de la Libye, les combats continuent au sud de Tripoli
Les forces fidèles à Haftar quittent Benghazi le 7 avril pour renforcer les troupes en route vers Tripoli (Reuters)

Les Libyens sont déjà passés par là par le passé et, tandis que les forces de Khalifa Haftar lancent une offensive militaire sur la capitale libyenne, beaucoup se préparent à affronter le pire.

Jamal Mahmoud, un habitant de la zone située sur la route de l’aéroport de Tripoli, assure qu’il ne veut même pas imaginer la ville tomber entre les mains de Haftar.

« La Libye ne deviendra pas la prochaine Égypte », affirme-t-il à Middle East Eye. « Nous avons déjà tellement perdu. Tant de nos jeunes ont donné leur vie pour se débarrasser d’un dirigeant tyrannique. Ils n’ont pas perdu la vie pour qu’un autre dictateur prenne la place de Kadhafi. »

« Nos jeunes n’ont pas perdu la vie pour qu’un autre dictateur prenne la place de Kadhafi »

- Jamal Mahmoud, habitant de Tripoli

Les forces loyales à Haftar, l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL), ont commencé jeudi leur marche vers la capitale dans une offensive qui a jusqu’ici tué au moins 41 personnes et en a blessé des dizaines d’autres.

L’ANL cherche à étendre son contrôle sur un plus grand territoire et à supplanter le gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu à l’échelle internationale.

L’aéroport de Mitiga, le seul aéroport encore en activité à Tripoli, a été fermé lundi après avoir été visé par les forces de Haftar dans une frappe aérienne.

« Nous avons entendu des coups de feu et des explosions à proximité. Nous ne savons pas exactement ce qui se passe, mais chaque fois que nous entendons quelque chose, nous espérons simplement que les forces de Haftar ne progressent pas », explique Jamal Mahmoud. « Nous rejetons la domination militaire. Haftar veut conquérir lentement tout le pays et s’imposer au pouvoir. Il ne peut pas faire cela. »

L’offensive militaire a surpris beaucoup de monde car il existait de grands espoirs de réconciliation entre le GNA et Haftar, les deux principaux acteurs du pays.

En fait, Fayez al-Sarraj, Premier ministre libyen et dirigeant du GNA, devait participer aux pourparlers de paix aux côtés de Haftar, général à la retraite ayant servi sous les ordres de Kadhafi, plus tard cette semaine.

Les milices alliées au GNA dans l’ouest du pays se sont regroupées pour tenter de défendre la capitale contre l’avancée de Haftar.

Plus de 2 800 personnes déplacées par les combats

Mais, selon l’ONU, plus de 2 800 personnes ont déjà été déplacées par les combats, lesquels ont également entraîné des coupures de courant dans toute la région et des pénuries d’eau courante.

Depuis les soulèvements populaires de 2011 qui ont renversé Kadhafi, aucun groupe n’a été en mesure de contrôler totalement Tripoli, malgré les multiples tentatives de diverses factions armées de s’emparer du contrôle de la capitale.

Les affrontements et l’instabilité sont généralisés, et les tensions se sont encore accrues depuis l’arrivée au pouvoir du GNA en 2016.

En définitive, avoir le contrôle de Tripoli signifie contrôler les actifs stratégiques de la Libye, tels que les aéroports et les ports, la Banque centrale libyenne et d’autres institutions clés.

Alors que les précédents affrontements concernant la capitale avaient révélé le contrôle précaire exercé par le GNA, une alliance de milices occidentales s’est juré d’empêcher Haftar de prendre le contrôle de la ville cette fois-ci.

« Nous mourrons à Tripoli avant de laisser Haftar prendre le contrôle de notre ville », promet à MEE un milicien de Tripoli sous couvert d’anonymat, craignant pour la sécurité de sa famille. « Nous sommes tous en état d’alerte et prêts à défendre Tripoli avec tout ce que nous avons. »

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Le gouvernement libyen, soutenu par la communauté internationale, n’a pas été en mesure de freiner la possession généralisée et non contrôlée d’armes dans le pays.

Ainsi, le GNA a été contraint de céder le contrôle de zones importantes – y compris l’aéroport – à de puissantes milices qui étaient en jeu avant même sa formation.

Malgré de nombreuses tentatives pour transformer les forces armées en forces de police et forces armées régulières, le GNA, comme les autorités de transition qui l’ont précédé, n’ont pas réussi à réaliser cet objectif, s’appuyant sur les milices puissantes et bien armées pour offrir un peu de sécurité dans les rues de la capitale.

Toutefois, les habitants et les combattants de Tripoli ne sont pas les seuls concernés par l’offensive de Haftar.

Rowaidah Ali, une habitante de la ville côtière occidentale de Zouara, dont le frère appartient à une milice, confie à MEE ne pas l’avoir vu depuis des jours. « Ils ont tous été appelés pour être en état d’alerte et prêts à réagir à tout moment », témoigne-t-elle.

Zouara est très proche de Ras Jedir, une frontière critique entre la Libye et la Tunisie. La région a connu de nombreux affrontements au cours de la guerre, divers acteurs ayant tenté de prendre le contrôle du poste frontière.

« D’un côté, les combattants de Zouara sont totalement opposés à l’offensive de Haftar et sont prêts à se battre contre ses forces jusqu’à la fin », souligne Ali. « Mais de l’autre, ils ne veulent pas quitter la ville, craignant qu’une lutte pour le contrôle de Ras Jedir puisse s’ensuivre en cas d’absence de la plupart des combattants. »

Sous le commandement de Haftar, l’ANL s’est battue pour contrôler un plus vaste territoire en Libye, en commençant par l’est du pays, puis en menant des offensives militaires plus au sud et à l’ouest.

« Criminel de guerre »

Le milicien de Tripoli, qui se confie à MEE sous couvert d’anonymat, se dit préoccupé par ce qui pourrait arriver aux habitants de la ville opposés à Haftar et à l’ANL si ses forces en prenaient le contrôle.

« Ses forces ont éliminé toute opposition à Benghazi. Nous avons tellement de familles de Benghazi ici à Tripoli. Elles ont tout laissé derrière elles parce qu’elles ont été prises pour cibles ou menacées en raison de leurs opinions concernant Haftar », souligne le combattant.

Depuis le lancement de l’opération Dignité de Haftar en 2014, plus de 13 000 familles ont fui la deuxième ville du pays, Benghazi, qui a été largement détruite par les forces de Haftar.

Selon Human Rights Watch (HRW), des groupes armés ayant des liens avec l’ANL ont participé à la saisie illégale de biens appartenant à ceux qui ont fui, ainsi qu’à la torture et aux disparitions forcées de personnes qui sont restées dans la ville.

Haftar et ses forces ont été accusés de crimes de guerre dans les zones sous leur contrôle.

La Cour pénale internationale a également lancé un mandat d’arrêt en 2017 à l’encontre d’un membre d’une force d’élite de l’ANL. Les demandes de remise à la justice de Mahmoud al-Werfalli, commandant d’al-Saiqa, une unité d’élite de l’ANL, ont toutefois été ignorées à plusieurs reprises.

« Le criminel de guerre Haftar pense pouvoir échapper à cette trahison totale de confiance », poursuit le combattant. « Il a prétendu être intéressé par un accord de paix, mais il nous a poignardés dans le dos. »

Traduction : « Alerte #Libye : combats intenses sur plusieurs fronts autour de #Tripoli. Probablement les plus intenses depuis que #Haftar a ordonné à ses milices d’envahir la capitale et de renverser le gouvernement civil »

Les forces de l’ANL assiègent également Derna – le dernier bastion de l’opposition aux forces de Haftar dans l’est du pays – depuis août 2016.

Le groupe a lancé une offensive terrestre et aérienne en mai dernier dans le cadre de sa tentative de chasser les combattants de la Force de protection de Derna (FPD), une milice composée d’habitants de la ville.

Au cours de l’offensive, des dizaines de personnes ont été tuées et jusqu’à 500 familles ont été déplacées.

En avril 2017, des groupes de défense des droits de l’homme ont également accusé des combattants de l’ANL d’avoir commis des crimes de guerre dans le quartier de Ganfouda à Benghazi. Tout comme Derna, les forces de l’ANL ont assiégé Ganfouda pendant près de trois ans, poussant ses habitants à un état de « quasi-famine », a rapporté HRW.

Traduit de l’anglais (original) et actualisé par VECTranslation.

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