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Israël : que retenir de la conférence de Herzliya sur la sécurité ?

Former une alliance avec les États sunnites, maintenir l’occupation de la Palestine sans règlement du conflit, inviter le nouveau prince héritier d’Arabie saoudite à Tel Aviv... et plus encore
Le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman prend la parole lors de la conférence de Herzliya le 22 juin 2017 (AFP)

De meilleures relations avec les Saoudiens. Ce que Mahmoud Abbas veut vraiment. Et la menace représentée par le « Hezbollastan ».

Voici quelques-uns des sujets abordés lors de la conférence de Herzliya de cette année. Organisée par l’Israeli Institute for Policy and Strategy, l’événement a pour mission depuis sa création de soutenir la « formation d’une grande stratégie pour Israël et la région ».

Cette année, la conférence avait pour thème « l’équilibre stratégique d’Israël : opportunités et risques ». Middle East Eye résume en dix points les principales idées qui ont été abordées.

1. Israël devrait faire copain-copain avec les États arabes sunnites

Gilad Arden, ministre de la Sécurité publique d’Israël, a déclaré qu’il y avait une « chance historique de créer une nouvelle coalition entre Israël, d’autres pays occidentaux et les États arabe sunnites sur la base d’intérêts communs ».

L’alliance a été évoquée à plusieurs reprises pendant la conférence. Moshe Ya’alon, ancien ministre israélien de la Défense, a affirmé que « l’expression ‘‘conflit israélo-arabe’’ n’[était] plus pertinente » dans la mesure où Israël n’était plus en conflit avec le camp arabe sunnite.


Herzi HaLevi, chef de la Direction du renseignement militaire de l’armée israélienne, a pour sa part déclaré que les « intérêts mutuels entre Israël et les États sunnites pragmatiques s’étaient considérablement multipliés ».

Les participants se sont tous fait l’écho des propos formulés par le secrétaire américain à la Défense James Mattis lors d’une conférence de presse donnée en avril, lors de laquelle il a déclaré que l’alliance entre Washington et Israël était « la pierre angulaire d’une architecture sécuritaire régionale plus large qui comprend la coopération avec l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite et nos partenaires du Golfe ».

2. Arabie saoudite, venez rendre visite à Israël

Plusieurs anciens ministres israéliens, y compris le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman, ont appelé le roi Salmane d’Arabie saoudite à instaurer des relations diplomatiques complètes avec Israël.

Le ministre des Renseignements et des Transports, Yisrael Katz, a demandé au roi Salmane d’inviter le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à Riyad et, en retour, d’envoyer le nouveau prince héritier Mohammed ben Salmane à Tel Aviv.

« Nous avons vu quel hôte merveilleux vous pouviez être […] lorsque le président Trump était là », a déclaré Katz, se référant à la visite du président des États-Unis à Ryad en mai.


« Vous pouvez également envoyer votre héritier, le nouveau, le prince Mohammed ben Salmane. C’est une personne dynamique. C’est un initiateur. Et il veut réussir. »

3. Qu’est-ce que Hezbollastan ?

Le plus grand danger pour Israël est la menace qui plane sur ses frontières septentrionales, d’après plusieurs conférenciers.

Le Hezbollah : membre d’une alliance qu’Amos Gild a appelée « Hezbollastan » (AFP)

Amos Gild, directeur de l’Israeli Institute for Policy and Strategy et ancien haut-gradé de l’armée israélienne, a déclaré : « À mesure que l’EI [le groupe État islamique] s’effondre, une alliance qui est en train de se former sous nos yeux s’élève à sa place : l’Iran, le Hezbollah et Assad [Syrie]. Je lui ai donné le nom de ‘‘Hezbollastan’’, une entité beaucoup plus forte qui constitue une menace stratégique pour Israël ».

Moscou, a ajouté Gilad, a pris la « décision stratégique de soutenir cet alignement ». Il a mis en garde contre la possibilité d’une guerre aux frontières septentrionales d’Israël menées par le Hezbollastan et soutenue financièrement par le Kremlin.

4. Merci à Sisi

Amos Gilad a également salué les efforts du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour réprimer les Frères musulmans.

Il a déclaré que bien que n’étant pas lui-même religieux, il « commen[çait] à croire de plus en plus aux miracles » dans la mesure où Sissi n’aurait pas pu trouver de meilleure façon d’aider son pays. Selon lui, Israël est menacé par les Frères musulmans.


En 2013, Sissi a évincé le président égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, et a mené depuis une politique répressive contre le mouvement, qu’il considère comme son ennemi politique. Le mouvement palestinien Hamas, qui contrôle Gaza, est considéré comme une ramification des Frères musulmans égyptiens.

« Si une coalition avait été formée entre les Frères musulmans en Égypte et le gouvernement turc, nous serions dans une situation totalement différente, bien pire », a déclaré Gilad.

5. Nous devons parler de la Palestine

Plusieurs orateurs ont souligné la nécessité d’aborder la question palestinienne afin qu’une alliance Israël-États arabes sunnites puisse être publiquement normalisée.


Tony Blair, ancien Premier ministre du Royaume-Uni présent à la conférence, a déclaré : « Ce n’est pas un grand secret d’État que de dire que des formes de coopération relatives à la sécurité ont déjà lieu, mais la clé d’une vraie relation […] au-dessus de la table et pas en dessous, cette clé demeure la question palestinienne. »

6. Statu quo au lieu d’un règlement

Mais quelle forme prendrait une solution israélo-palestinienne ? Certains orateurs ont suggéré qu’il était dans l’intérêt d’Israël de maintenir un « statu quo » de calme au lieu de parvenir à un règlement permanent.

Ya’alon a déclaré qu’il espérait que l’arrivée au Moyen-Orient de Jared Kushner, sous les instructions de son beau-père, Donald Trump, « convaincrait le gouvernement américain qu’il n’y a aucune chance de parvenir à un règlement permanent dans un avenir proche ».


Israël, a ajouté Ya’alon, devrait améliorer la situation sur le terrain, mais « maintenir les Palestiniens dans une situation de dépendance vis-à-vis d’Israël en ce qui concerne l’économie, les infrastructures et la sécurité, et ce pendant de nombreuses années ».

Herzi Halevi a quant à lui déclaré que si par le passé, une solution permanente était considérée comme un succès, aujourd’hui « les intérêts constituent le moteur, les coalitions ad hoc constituent la méthode, et la plus grande aspiration dont nous puissions parler consiste à atteindre une stabilité dynamique ».

Naftali Bennett, ministre israélien de l’Éducation, a ajouté que « quand quelque chose est insoluble, il faut le gérer ».

7. Renforcer les liens économiques avec la Cisjordanie

Le ministre israélien des Finances, Moshe Kahlon, a déclaré qu’il travaillait à renforcer les liens économiques entre Israël et la Cisjordanie. « Ce ne sont pas deux économies, mais une seule, c’est la même devise [shekel], le même taux d’importation et d’exportation... la coopération est bonne depuis deux ans. »

https://www.youtube.com/watch?v=pD-Vl6qTO1c

Il a également abordé la crise de l’électricité à Gaza : l’Autorité palestinienne (AP) a demandé à Israël de réduire la quantité d’électricité qu’il fournit à l’enclave côtière, contrôlée par ses rivaux du Hamas. L’AP reproche au Hamas de ne pas lui avoir remboursé l’argent versé à Israël pour l’approvisionnement de Gaza en électricité.

Les deux millions d’habitants de la bande de Gaza ne devraient recevoir plus que 3 heures 15 d’électricité par jour en moyenne au lieu de quatre heures précédemment.

« [Le Premier ministre palestinien] Rami Hamdallah m’a demandé de diminuer la quantité d’électricité que nous transférons à Gaza, a déclaré Kahlon, parce que Ramallah souhaiterait intégrer Gaza dans un gouvernement d’unité. »

Le différend, a ajouté Kahlon, est « interne » ; ce ne sont « pas nos affaires », a-t-il assuré. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyhou a déclaré précédemment qu’Israël « ne souhait[ait] pas voir une escalade » à Gaza, décrivant la crise de l’électricité comme « un conflit palestinien interne ».

8. Abbas veut-il un conflit entre Israël et le Hamas ?

Le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a accusé Abbas, qui dirige le Fatah, d’essayer de déclencher un nouveau conflit entre Israël et ses rivaux du Hamas à Gaza.


« Abou Mazen [Mahmoud Abbas] n’a pas effectué une réduction ponctuelle », a-t-il commenté en référence à la crise de l’électricité à Gaza. « Son intention est en fait de poursuivre les réductions et, dans quelques mois, de cesser de payer le carburant, les médicaments, les salaires et bien d’autres choses encore. Selon moi, la stratégie consiste à nuire au Hamas et à provoquer un conflit entre le Hamas et Israël. »

9. Qui succèdera à Mahmoud Abbas ?

Gilad a toutefois averti que le successeur d’Abbas pourrait s’avérer dangereux. « Abou Mazen ne prépare pas de successeurs, il pense qu’il est éternel, mais il ne le sera pas. Si nous n’entrons pas dans un processus diplomatique, je crois que nous nous retrouverons après sa démission dans une réalité caractérisée par une effusion de sang. »

Qui succèdera à Mahmoud Abbas ? (AFP)

Plusieurs orateurs ont fait l’éloge de la coordination militaire et stratégique actuelle entre Israël et l’Autorité palestinienne. Selon les experts, celle-ci permet à Israël de maintenir efficacement son occupation militaire en Cisjordanie.

Selon un sondage mené plus tôt ce mois-ci par le PCPSR, 65 % des Palestiniens veulent la démission d’Abbas.

10. Obama était réticent – mais Trump est prometteur

Ya’alon a critiqué sévèrement la décision de la précédente administration américaine de ne pas jouer le rôle de « policier international » au Moyen-Orient, déclarant que les États-Unis avaient « souhaité se déconnecter » de la région.

« Le vide créé par cette politique a été rempli par trois pouvoirs islamistes radicaux : l’EI, l’Iran et les Frères musulmans dirigés par Erdoğan », a-t-il déclaré.

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou (AFP)

Alors que l’administration Obama avait été critiquée en Israël pour les négociations menées avec l’Iran, l’élection de Trump a été accueillie avec optimisme, beaucoup estimant que le nouveau président américain sera à même de mieux servir les intérêts d’Israël dans la région.

Selon Ya’alon, certains signes positifs indiquent que l’administration Trump adopte une politique différente de celle de son prédécesseur.

« Les États-Unis ne se tiennent plus à l’écart et n’ont pas peur de franchir les lignes rouges », a-t-il déclaré en référence à l’implication croissante de Washington en Syrie.

Traduit de l’anglais (original).

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