Aller au contenu principal

Les milices pro-Assad renforcent les rangs de l’armée syrienne en lambeaux

Environ 150 000 à 200 000 combattants ont rejoint 25 milices pro-gouvernementales tandis que les rangs de l’armée syrienne régulière s’éclaircissent en raison des nombreux décès et défections
Un membre des Forces de défense nationale syriennes (FDN), une unité armée de volontaires fidèles au président Bachar al-Assad (le portrait sur la gauche), à son poste à Damas le 16 janvier 2014 (AFP)

Les plus de 150 000 combattants formés et équipés qui composent les milices pro-gouvernementales sont devenus une béquille indispensable pour une armée syrienne affaiblie par plus de quatre années de conflit inextricable.

« Plus de 25 grandes milices, de différentes tailles, combattent aux côtés de l’armée syrienne » et comptent entre 150 000 et 200 000 hommes, selon les déclarations d’une source de sécurité à l’AFP.

Créées en 2012 après une série de défaites de l’armée dans les provinces de Damas, Homs et Alep, les Forces de défense nationale (FDN) constituent la milice la plus importante.

Sous le commandement du général de brigade Mohammed Hawash, les FDN ont déployé environ 90 000 combattants issus de divers milieux à travers la Syrie.

Pour Assef Hamdoush, un étudiant de 28 ans devenu combattant des FDN, « il n’y a pas assez de jeunes hommes pour combattre les rebelles commettant des massacres dans la province de Lattaquié », le fief côtier du président Bachar al-Assad.

« On n’a pas eu le choix : se battre ou mourir », a déclaré Hamdoush à l’AFP.

Son ami Karim, 31 ans, a déclaré que ses motifs étaient plus prosaïques.

« J’ai perdu mon emploi. Prendre les armes était le seul moyen de survivre », a-t-il expliqué.

Les miliciens perçoivent un salaire mensuel de 100 à 300 dollars (90 à 265 euros), contre une rémunération d’environ 10 dollars (9 euros) par mois pour les conscrits.

« C’est ce qui en a poussé beaucoup à quitter l’armée pour rejoindre les FDN », affirme l’avocat Alaa Ibrahim.

Les jeunes syriens choisissent aussi les FDN car ils sont déployés à proximité de leurs villes d’origine, au lieu de servir pendant des mois dans les provinces lointaines avec l’armée régulière.

Rejoindre les FDN leur confère également plus de pouvoir dans leurs villes d’origine.

La force armée réduite de moitié

« Voilà pourquoi l’armée a interdit à ses soldats de devenir membres de ces groupes et a dit que la lutte dans les milices ne les dispensait pas du service militaire obligatoire », a déclaré Ibrahim à l’AFP.

Selon les experts, l’armée syrienne a été réduite de moitié environ par rapport à sa taille d’avant-guerre (soit 300 000 soldats) en raison des morts, des défections et de ceux toujours plus nombreux qui tentent d’échapper au service militaire.

Dans une récente interview, Assad a souligné l’importance des combattants « volontaires », sans lesquels « l’armée n’aurait pas été en mesure de résister pendant quatre ans et demi à une guerre aussi difficile ».

Certaines milices sont dirigées par des partis politiques, notamment le parti Baas au pouvoir qui commande quelque 10 000 hommes.

D’autres sont organisées en fonction des tribus ou des confessions : les Alaouites défendent leur fief le long de la côte, les Druzes combattent dans la province méridionale de Soueïda et les chrétiens se battent dans le nord-est.

L’armée a également reçu un soutien substantiel de milliers de combattants envoyés par l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan et le Liban – notamment le puissant groupe chiite du Hezbollah.

« La présence de ces groupes parallèles ne signifie pas l’effondrement de l’armée syrienne, mais que le fardeau est devenu si lourd qu’elle a besoin de forces de soutien à ses côtés », a déclaré un responsable de haut rang, proche du Bureau de la sécurité nationale syrienne.

Le responsable de la sécurité a déclaré que les milices reçoivent leurs ordres d’une seule « direction centrale, en coordination avec le Bureau de la sécurité nationale, qui est en contact direct avec la présidence ».

Aucune juridiction sur les milices

Les milices jouent un rôle central sur les lignes de front clés, y compris à Zabadani, le dernier bastion des rebelles le long de la frontière avec le Liban, ainsi qu’au sud de Damas et à Lattaquié.

Dans le quartier chiite d’al-Amin, dans le centre de Damas, les photos de six jeunes hommes tués à Alep sont affichées sur les murs.

Bien que la plupart des miliciens ont été formés par l’armée, d’autres ont reçu une formation du Hezbollah et des forces iraniennes.

« Les milices se battent aux côtés de l’armée et suivent ses ordres, tout en étant indépendantes sur le plan administratif, organisationnel et de la formation », a déclaré le haut responsable.

« Leurs membres sont affectés à des endroits spécifiques et ils reçoivent un bonus s’ils acceptent des missions difficiles ou loin de chez eux, ce qui n’est pas le cas pour les soldats. »

Les tribunaux militaires syriens ne sont pas compétents pour juger les miliciens, qui ne sont pas soumis à des sanctions s’ils commettent des abus, selon maître Ibrahim.

La rivalité entre l’armée et les milices est palpable.

« Les groupes armés prétendent soutenir l’armée mais en fait, ils ruinent souvent nos victoires et nuisent à notre réputation » a déclaré Fadi, un soldat de 24 ans qui se bat depuis 2011.

« Nous savons très bien qu’ils ne se battent que dans certaines régions », a-t-il ajouté, critiquant les groupes qui exhibent leurs armes dans les espaces publics « où il n’y a ni combats ni fronts ».

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].