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Les traditions de Noël libanaises symbolisent la solidarité et la renaissance

Noël est une fête très importante dans les villes et les villages libanais : arbres gigantesques, décorations étincelantes et chants de Noël se mêlent aux traditions locales
Basman, Hania et leurs trois enfants sont des réfugiés chrétiens en provenance de Syrie. Leurs voisins libanais leur ont offert un arbre de Noël lorsqu’ils ont été contraints de dépenser les économies qu’ils avaient faites pour Noël pour acheter des médicaments (MEE/Chloe Domat)

ZGHARTA, Liban – La ville de Zgharta, au nord du Liban, rayonne de fierté. Selon le Huffington Post, son arbre de Noël est l’un des plus impressionnants au monde.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un arbre naturel, cette interprétation de l’arbre de Noël et de ses aiguilles est indéniablement empreinte de créativité.

« Notre arbre mesure 25 mètres de haut et 13 mètres de large. Cette année, nous avons choisi de travailler sur le thème de l’atelier du Père Noël, nous avons donc installé un certain nombre de personnages tels qu’un renne, des farfadets et un bonhomme de neige autour de l’arbre », explique Evelyna Mouhawess, responsable de la communication pour Midan, l’association locale chargée du sapin.

Certains des personnages colorés intégrés aux décorations libanaises cette année (MEE/Chloé Domat)

Préserver les traditions ancestrales

À Zgharta, les arbres de Noël ne font pas uniquement partie du folklore, ils véhiculent une image positive du Liban.

« Même si nous vivons dans une région difficile, nous voulons montrer que le Liban ne se résume pas à la guerre. Ici, dans le nord, de nombreuses religions différentes cohabitent. Cet arbre symbolise notre capacité à célébrer les moments importants des autres », ajoute-t-elle.

En période de Noël, des événements gratuits tels que des concerts et des pièces de théâtre sont organisés au pied du sapin autour duquel des Libanais de tous horizons se retrouvent et se mélangent.

Dans une maison traditionnelle du centre-ville, la famille Makary se prépare pour Noël. Même si la famille vit à deux heures de là, à Beyrouth, les grands-parents, les enfants et les petits-enfants se réunissent pour décorer le sapin familial.

« Nous allons mettre des guirlandes et des lumières colorées sur les balcons, le long des escaliers et aux fenêtres. Nous installerons aussi une crèche de Noël au pied du sapin », indique la tante, Marguerite Makary, âgée de 87 ans.

« Les enfants du village ont également fêté la sainte Barbe. Le 3 décembre, ils se sont maquillés et ont enfilé des costumes colorés, puis ont commencé à chanter et sont allés frapper aux portes du voisinage pour demander de l’argent. Je leur en ai donné un peu. Ensuite, ils se sont rassemblés et ont apporté l’argent à l’église », se souvient-elle.

La nuit de la sainte Barbe, certains villages chrétiens appliquent une coutume particulière selon laquelle toute la famille se rassemble pour planter des graines dans un morceau de coton. Le 24 décembre, les jeunes pousses pourront ensuite être placées dans la crèche de Noël en tant que symbole de vie.

Jeunes pousses (MEE/Chloé Domat)

Une passion pour le poinsettia

Au Liban, le mois de décembre est associé à la couleur du poinsettia, une plante dotée de feuilles rouges. Les Libanais aiment l’acheter en grandes quantités pour décorer les maisons, les magasins et les rues.

« Le poinsettia est vraiment la plante de Noël ici. Les gens aiment l’offrir en cadeau ou les placer à différents endroits de la maison pour créer une atmosphère joyeuse », affirme Alaa Rachanié, propriétaire d’un magasin de fleurs à Beyrouth.

Alaa Rachanié achète ses plants de poinsettia aux Pays-Bas puis les fait pousser dans une serre à l’extérieur de la ville. « J’en vends beaucoup pendant l’hiver. En fait, c’est l’une des plantes que je vends le plus tout au long de l’année même si elle est très saisonnière. Je réalise 20 % de marge sur chaque pot, elle représente donc une part importante de mes revenus annuels », indique-t-il.

Dans son magasin, les pots de poinsettia sont vendus entre 5 et 25 dollars selon leur taille (MEE/Chloé Domat)

La cuisine libanaise à l’honneur

Les Libanais ont également des traditions culinaires spécifiques. Dans le quartier de Mar Mikhael, Kamal Mouzawak dirige Tawlet, une chaîne de restaurants dans lesquels des villageoises viennent cuisiner leurs plats locaux.

« Pour Noël, il faut faire la distinction entre les traditions rurales et urbaines. Par le passé, les habitants des villages étaient plutôt pauvres et avaient tendance à manger des plats végétariens. Les jours de fête constituaient une occasion de cuisiner de la viande, mais pas en tant qu’ingrédient principal du plat. L’objectif était plutôt de la répartir dans du riz ou du blé concassé (boulgour) afin de mieux la partager. Dans les villes, les repas étaient évidemment plus sophistiqués et comportaient davantage de viande. »

Après le plat principal, les Libanais mangent généralement du meghlé, un dessert à la cannelle préparé en l’honneur des nouveau-nés et, à Noël, pour célébrer la naissance de Jésus.

« La recette comprend du riz, de l’eau, du sucre, de la cannelle, du cumin et de l’anis. Ce mélange forme une crème marron sucrée au-dessus de laquelle nous ajoutons des amandes et des pistaches. C’est un symbole de renaissance car il est marron comme le désert et nous plaçons des graines par-dessus », ajoute Kamal Mouzawak.

Le meghle, un dessert traditionnel considéré comme un symbole de naissance (MEE/Chloe Domat)

Solidarité avec les réfugiés

Le Liban accueille plus d’un million de réfugiés syriens. Même si une large majorité d’entre eux est de confession musulmane sunnite, Noël n’en demeure pas moins une période propice à la solidarité.

La plupart des réfugiés syriens vivent dans la plaine de la Bekaa. En 2012, plus de 650 familles syriennes chrétiennes s’y sont installées, dans la ville de Zahlé.

Basman, sa femme Rania et leurs trois enfants faisaient partie de ce groupe. Cette année, ils célèbreront Noël pour la première fois depuis qu’ils vivent en exil.

« Nous avons économisé environ 100 dollars pour acheter des décorations et quelques cadeaux pour les enfants, mais ma fille est tombée malade la semaine dernière et nous avons dépensé tout notre argent pour les médicaments », explique Basman.

Leur fête allait être annulée, mais un voisin libanais a proposé de leur acheter un sapin pour sauver Noël.

« Les gens d’ici sont très gentils avec nous », affirme Rania. « J’ai décoré le sapin avec les enfants en écoutant des chants de Noël pour mieux entrer dans l’atmosphère de Noël. »

Pour d’autres familles en revanche, le 24 décembre sera une soirée comme les autres.

« La première année que nous avons passée ici, nous avions encore de l’argent. Nous avons donc acheté un sapin et organisé une fête, mais nous ne pouvons plus le faire désormais. En Syrie, nous organisions de grands rassemblements, mais pour faire la fête il faut être heureux et nous ne le sommes plus », affirme Yasser, un autre réfugié venu de Qousseir en 2012 avec sa femme et ses trois fils.

En évoquant ces souvenirs, ses yeux s’emplissent de larmes. Il se souvient de ses voisins qui ont été tués, de sa maison qui a brûlé et du magasin de son épouse qui a été dévasté.

« Nous avons perdu tout ce que nous avions. Ici, la vie est beaucoup plus chère et il est difficile de trouver du travail. Les Libanais sont accueillants, mais nous savons que dans le fond, nous restons des étrangers », affirme-t-il, avant d’ajouter qu’il souhaite retourner en Syrie dès que possible.

Samira est une Libanaise à la retraite. Elle vit dans la maison voisine et aime venir boire un café avec Yasser et sa femme chaque jour.

« J’aime passer du temps avec eux, ce sont des gens bien », affirme-t-elle. « Cette année, je viendrai peut-être passer Noël avec eux pour changer ».

À Zahlé, de nombreux réfugiés chrétiens ne reçoivent pas l’aide de l’ONU car leur situation humanitaire n’est pas considérée comme prioritaire par rapport à celle des réfugiés vivant dans les camps. En l’absence d’assistance internationale, c’est l’église locale qui leur vient en aide.

« Les réfugiés syriens se sont tournés vers nous au début de la guerre. Suite à la bataille de Qousseir, environ 800 familles sont arrivées à Zahlé. Elles avaient besoin d’aide. Nous les avons aidées. C’est notre rôle d’atténuer leurs souffrances », déclare Issam John Darwish, archevêque grec-catholique melkite de Furzol, Zahlé et Bekaa.

L’église aide les familles syriennes à trouver un logement, à payer leur loyer et leurs dépenses quotidiennes et accompagne les enfants ayant des difficultés à s’adapter au programme scolaire libanais. Elle apporte également des soins médicaux par l’intermédiaire de l’hôpital de l’archevêché et a récemment ouvert un restaurant qui sert jusqu’à 600 repas par jour.

L’église soutient également les familles en période de Noël. « Nous essayons de leur apporter de la joie en organisant des activités lors desquelles les Syriens et les Libanais peuvent se mélanger. Nous distribuons aussi des jouets et des friandises aux enfants », ajoute Mgr Darwish.

En période de Noël, des ONG libanaises telles que Kahwit al-Frani, Sawa for Development and Aid, ou Basmeh & Zeitoune viennent également en aide aux réfugiés, quelle que soit leur religion.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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