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L’Irak souhaite moins de troupes américaines sur son territoire après la défaite de l’EI à Mossoul

Haïder al-Abadi, le Premier ministre irakien, a affirmé à MEE que le contingent de 5 000 soldats américains qui se trouve actuellement en Irak serait réduit après la défaite de l’État islamique, mais a reconnu que ses propres forces avaient besoin d’être davantage formées
Des soldats américains forment des recrues irakiennes à Bagdad (AFP)

BAGDAD, Irak – L’Irak souhaite moins de forces américaines sur son territoire maintenant que le groupe État islamique est proche de la défaite à Mossoul, a affirmé Haïder al-Abadi à Middle East Eye.

Le Premier ministre irakien a profité de sa conférence de presse hebdomadaire pour présenter ses objectifs à Donald Trump, avant de devenir la semaine prochaine le premier dirigeant arabe à rendre visite au président américain à Washington.

« Le contingent a augmenté et a atteint un sommet dans la bataille de Ninive. Après cette opération, le nombre sera réduit »

–  Haïder al-Abadi, Premier ministre irakien

Interrogé par MEE quant à savoir s’il se prononçait en faveur d’une réduction des troupes américaines, le dirigeant irakien a déclaré : « Comme nous sommes en train d’écraser Daech, il est clair qu’il est nécessaire de réduire le nombre d’alliés qui nous viennent en aide. »

Il a souligné que c’était son prédécesseur Nouri al-Maliki qui avait demandé aux forces américaines de revenir après la prise par l’État islamique de Mossoul, capitale de la province de Ninive, en juin 2014.

« Son gouvernement a internationalisé la lutte contre le terrorisme. Nous l’avons élargie et rendue plus robuste », a-t-il déclaré.

« Nous avons intégré de nombreux pays qui voulaient aussi aider l’Irak. Le contingent a augmenté et a atteint un sommet dans la bataille de Ninive, en particulier dans l’ouest de Ninive en ce moment. »

« Après cette opération, le nombre sera réduit. »

Haïder al-Abadi doit se rendre à Washington la semaine prochaine (AFP)

La ligne fièrement nationaliste d’Abadi pourrait décevoir les faucons à Washington, qui espèrent retrouver un accès à long terme aux bases dont les États-Unis disposaient auparavant en Irak pour exercer une pression sur l’Iran. L’ancien président Barack Obama a retiré toutes les troupes américaines d’Irak en 2011.

Tout en demandant une réduction du contingent américain, qui s’élève actuellement à environ 5 000 soldats, Abadi a clairement indiqué qu’il souhaitait que les États-Unis élargissent leur formation destinée à l’armée et à la police fédérale irakienne et s’occupent également de la police locale.

« Nous devons renforcer nos forces armées et nos forces de sécurité et cela nécessitera une aide conséquente de la part de nos alliés pour qu’ils leur fournissent une formation adéquate, a-t-il déclaré à MEE. Nous avons commencé la formation de la police locale à Anbar et à Ninive, à Salah ad-Din et à Bagdad, et nous l’étendrons à toutes les provinces irakiennes pour reformer toute la police en Irak, en plus de l’armée et des forces de lutte contre le terrorisme.

« Cette relation mutuelle a été très fructueuse. Nous devons en finir avec Daech et le reste des terroristes par le biais de notre coopération. Nous avons besoin d’une coopération en matière de renseignement dans ce domaine ; nous avons besoin d’un soutien logistique. »

Le Premier ministre et les Irakiens étaient furieux lorsque Trump a inclus l’Irak dans une liste de sept pays dont les ressortissants étaient interdits d’entrée aux États-Unis. Les autres pays en question étaient l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen.

Les responsables attribuent à James Mattis, le nouveau secrétaire de la Défense qui est récemment venu à Bagdad, le fait d’avoir convaincu Trump de retirer l’Irak de la liste, étant donné l’incohérence que représente le fait d’aider un allié sur la ligne de front contre l’État islamique tout en traitant tous ses citoyens comme des terroristes potentiels.

Abadi a déclaré que les forces irakiennes avaient besoin de plus de formation et de soutien de la part des partenaires internationaux (AFP)

Abadi a rappelé subtilement la tempête causée par le décret d’interdiction initial de Trump : « Nous attendons avec impatience cette visite [à Washington] et nous remercions le président en personne d’avoir retiré l’Irak de son décret. »

Le Premier ministre irakien a déclaré que la décision de Trump de choisir l’Irak en tant que premier pays arabe à voir son dirigeant être invité à Washington constituait une reconnaissance des « victoires et [des] sacrifices héroïques de [son] peuple ».

« Daech est sur le point de s’effondrer et est au bord de la défaite. Les membres de leurs familles fuient », a-t-il expliqué.

Abadi a exposé d’autres points de son programme américain, notamment un appel à l’augmentation des investissements américains dans l’économie irakienne.

Les conseillers du Premier ministre se rendent compte que la politique étrangère de l’administration Trump est toujours en cours de préparation, le département d’État et le Conseil de sécurité nationale n’ayant pas encore effectué toutes les nominations les plus importantes dans leurs différentes équipes.

Ils envisagent une deuxième rencontre entre Abadi et Trump plus tard dans l’année, à un moment où la politique de Trump au Moyen-Orient sera plus claire.

Selon Salad Jiyad, directeur du al-Bayan Center for Planning and Studies, un think tank qui conseille régulièrement le Premier ministre irakien, le gouvernement irakien n’est pas disposé à laisser Trump utiliser son territoire contre l’Iran mais est prêt à laisser les États-Unis s’en servir contre l’État islamique en Syrie.

« Nous voulons faire pression sur les États-Unis pour qu’ils poussent les États du Golfe et l’Arabie saoudite à se montrer moins agressifs à l’égard de l’Iran »

– Salad Jiyad, conseiller du Premier ministre irakien

« Les forces spéciales américaines entrent déjà en Syrie. La semaine dernière, il y a eu une frappe aérienne irakienne en Syrie [contre l’État islamique] », a-t-il indiqué.

« Le Premier ministre a affirmé avoir parlé au gouvernement syrien et obtenu la permission d’opérer au sol ou par les airs en Syrie. »

Il a laissé entendre que les États-Unis seraient autorisés à étendre leurs opérations contre l’État islamique en Syrie sans nécessiter formellement l’autorisation de la Syrie si cela était effectué par le biais des Irakiens.

Jiyad a reconnu que Trump semblait plus hostile qu’Obama à l’égard de l’Iran, mais a affirmé que l’Irak résisterait à cela.

« Nous voulons faire pression sur les États-Unis pour qu’ils poussent les États du Golfe et l’Arabie saoudite à se montrer moins agressifs à l’égard de l’Iran. »

« Les Saoudiens ont vu Trump remporter les élections et pensent qu’il souhaite que l’Irak soit du côté de leur alliance plutôt que du côté iranien. »

« Mais Abadi est équilibré. Il ne veut pas que l’Irak soit anti-iranien ou anti-saoudien, comme il le fait avec la Turquie en n’étant ni anti-turc, ni pro-turc. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation

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