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Les États-Unis envisagent d’accorder l’immunité juridique au prince héritier saoudien

Le royaume a demandé que Mohammed ben Salmane soit exempté de toute responsabilité par le gouvernement américain dans le cadre de l’affaire portée devant les tribunaux par Saad al-Jabri
MBS a ordonné l’arrestation de deux des enfants de Saad al-Jabri, qui ont disparu de leur domicile à Riyad, tandis que d’autres proches ont également été arrêtés et torturés (AFP)
MBS a ordonné l’arrestation de deux des enfants de Saad al-Jabri, qui ont disparu de leur domicile à Riyad, tandis que d’autres proches ont également été arrêtés et torturés (AFP)
Par MEE à WASHINGTON, États-Unis

Les États-Unis envisagent d’accorder à Mohammed ben Salmane (MBS) l’immunité juridique dans le cadre d’un procès visant le prince héritier saoudien, accusé d’avoir tenté d’assassiner un agent de renseignement de haut rang, a rapporté lundi le Washington Post.

Selon le journal, le gouvernement saoudien a demandé que MBS soit exempté de toute responsabilité par le gouvernement américain dans le cadre d’une affaire portée plus tôt cette année devant les tribunaux par Saad al-Jabri, ancien responsable du ministère de l’Intérieur et conseiller de l’ex-prince héritier Mohammed ben Nayef.

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Décrit dans le dossier juridique comme un « partenaire de confiance d’agents de renseignement américains », Saad al-Jabri affirme que MBS a envoyé en octobre 2018 l’Escadron du Tigre, une équipe de 50 assassins – deux semaines seulement après le meurtre du dissident saoudien Jamal Khashoggi.

D’après le Washington Post, le département d’État a envoyé une liste de questions aux avocats de Saad al-Jabri, demandant leur avis juridique pour savoir si les États-Unis devaient accéder à la demande d’immunité formulée par l’Arabie saoudite.

Comme l’a rapporté le journal, une recommandation délivrée par le département d’État pourrait également exempter le prince de poursuites dans d’autres affaires récemment portées devant la justice aux États-Unis, notamment une action en justice visant à faire la lumière sur l’assassinat de Jamal Khashoggi.

Le président américain Donald Trump, qui quittera ses fonctions dans moins d’un mois, est un fervent défenseur du prince héritier.

Trump a évité de critiquer MBS au sujet des violations des droits de l’homme commises par le royaume, s’est gardé de pointer du doigt le jeune prince après l’assassinat de Jamal Khashoggi, et a également fait barrage aux initiatives du Congrès visant à censurer le gouvernement saoudien.

Un prince et non le roi

Pour le fils aîné de Saad al-Jabri, Khalid, si les États-Unis accèdent à la demande des Saoudiens, ils pourraient permettre au royaume de poursuivre à l’avenir ses tentatives d’assassinat à l’étranger.

« S’ils acceptent, les États-Unis accorderont essentiellement l’immunité à MBS pour des agissements qui ont permis de tuer Jamal Khashoggi et qui ont failli causer la mort de mon père », a déclaré Khalid al-Jabri au Washington Post. « L’absence de responsabilité est une chose, mais permettre l’impunité par l’immunité, c’est comme délivrer un permis de tuer. »

« Permettre l’impunité par l’immunité, c’est comme délivrer un permis de tuer »

- Khalid al-Jabri

Saad al-Jabri, qui aurait été un intermédiaire clé pour des services secrets occidentaux, s’est réfugié au Canada en 2017 quelques jours avant l’éviction de son ancien patron Mohammed ben Nayef par MBS à l’issue d’un coup d’État de palais.

Middle East Eye a tout d’abord rapporté en mars qu’après avoir fui Riyad en 2017, Saad al-Jabri a été « poursuivi » par des autorités saoudiennes « [prêtes] à tout pour le récupérer ».

Depuis qu’il a fui le royaume, Riyad a publié des notices rouges Interpol demandant son retour – qui ont depuis été rejetées par l’organisation en raison de leur nature politique – et exhorté les autres pays à le renvoyer dans le royaume, accusant l’ancien agent de renseignement de corruption.

Dans le cadre de l’action en justice, il est précisé que MBS a ordonné l’arrestation de deux des enfants de Saad al-Jabri, qui ont disparu de leur domicile dans la capitale Riyad, tandis que d’autres proches ont également été arrêtés et torturés « dans le but d’inciter le docteur Saad à retourner en Arabie saoudite pour y être tué ».

Plus tôt ce mois-ci, les avocats de MBS ont demandé au juge chargé du procès de classer l’affaire, accusant Saad al-Jabri d’avoir volé 11 milliards de dollars provenant d’un fonds saoudien de lutte contre le terrorisme géré par l’ancien responsable du renseignement de 2001 à 2015.

« Les défauts que présente cette plainte sont si flagrants et si profonds qu’elle ne peut qu’être considérée comme une manœuvre du plaignant visant à détourner l’attention de son vol massif », ont déclaré les avocats de MBS.

La réponse des avocats de Saad al-Jabri est attendue après le 1er janvier. Ils devraient faire valoir que MBS est un prince et non le roi, et qu’il ne devrait donc pas bénéficier de l’immunité.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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