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En France, retour de la polémique sur le burkini

Le Défenseur des droits vient de donner raison au Collectif contre l’islamophobie en France, association pourtant dissoute, sur une affaire remontant à 2019
La toute première polémique sur le port du burkini a éclaté en juillet 2016 suite à la publication d’un arrêté interdisant le port de ce maillot sur les plages de la ville de Cannes (AFP)
La toute première polémique sur le port du burkini a éclaté en juillet 2016 suite à la publication d’un arrêté interdisant le port de ce maillot sur les plages de la ville de Cannes (AFP)
Par MEE

À la fin de l’été 2016, alors qu’en août, plusieurs stations balnéaires françaises avaient interdit le port du burkini sur les plages publiques, faisant souffler l’air chaud de la polémique, la journaliste Widad Ketfi écrivait dans Middle East Eye : la relation entre la France et la communauté musulmane ne cesse de se répéter. Elle ne croyait pas si bien dire.

Le 22 décembre 2020, les services du Défenseur des droits (DDD), autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect des droits et des libertés, notamment en matière de lutte contre les discriminations, ont envoyé un courrier au président de la base de loisirs de Jablines-Annet, en Seine-et-Marne, propriété de la région Île-de-France.

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Dans ce courrier, George Pau-Langevin, adjointe de la Défenseure des droits Annie Genevard, écrit : « Il m’apparaît que l’interdiction du burkini au sein de la base de loisirs est susceptible de constituer une discrimination. »

Le Figaro, qui exhume le dossier et juge que la Défenseure « s’engage pour le burkini », rappelle les faits. Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), dissout début décembre par le gouvernement français, qui l’accuse de faire de la « propagande islamiste », avait, en 2019, adressé une réclamation à la base de loisirs pour demander « le retrait du panneau et l’article » du règlement interdisant l’accès « aux personnes portant un burkini ».

L’argument de la Région Île-de-France : les usagers doivent « s’abstenir de tout comportement de nature à risquer de porter atteinte aux règles d’hygiène, de sécurité ou à troubler l’ordre public ».

L’argument du DDD : le burkini a été pensé pour baignade et ne menace ni la sécurité ni l’hygiène des baigneuses. Les troubles à l’ordre public sont « davantage imputables aux réactions violentes de personnes incitant à la haine face au port du burkini et aux convictions religieuses qu’il peut exprimer ».

« Pour moi, c’est non ! »

Il n’en fallait pas plus pour déclencher une nouvelle polémique, dont les personnalités politiques de droite se sont emparées en premier.

« C’est curieux que le DDD, au lieu de s’occuper de la discrimination entre les hommes et les femmes, fasse en sorte de promouvoir ce vêtement qui signe le séparatisme, parce que c’est de ça dont il s’agit », s’est insurgée Valérie Boyer, sénatrice Les Républicains (LR, droite et centre-droite) des Bouches-du-Rhône sur CNews.

Sur la même chaîne, Éric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, estime « extrêmement choquant » que la DDD « aille dans le sens [de la protection du burkini] » alors qu’il s’agit selon lui d’« un vêtement d’asservissement […] qui rompt l’équilibre entre les hommes et les femmes » et que le CCIF est une association considérée par le ministre de l’Intérieur comme « dangereuse » et « portant atteinte aux valeurs de la République ».

« Pour moi, c’est non ! », a répondu Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France (Libres !, ex-LR), qui a demandé à la DDD de réexaminer sa décision. Selon elle, ses services « ont perdu le sens des réalités et inversent le raisonnement. Ils nous demandent d’adapter le règlement des bases de loisirs à une religion en particulier. Ils doivent absolument réexaminer le bien-fondé de cette requête entreprise, je le rappelle, par une organisation aujourd’hui dissoute. »

Plusieurs figures du Rassemblement national (RN, extrême droite), dont Gilbert Collard, lui ont exprimé leur soutien.

Depuis, la controverse prend de l’ampleur dans les médias : à l’antenne de Sud Radio, la polémiste Élisabeth Lévy a, ce mercredi matin, considéré qu’il est « indispensable » d’interdire le burkini, « expression visible de l’inégalité des sexes, d’un islam pudibond qui considère les femmes libres comme des putes ».

Elle a aussi pointé du doigt la « schizophrénie » de l’État : « Ma main droite vote une loi pour défendre la République, ma main gauche encourage ses adversaires. »

Le sujet faisait aussi l’objet d’un débat ce mercredi matin sur le plateau de Morandini Live, où Ali Essebki, président de la communauté musulmane de Levallois, a rappelé : « Chez nous, en France, c’est chez eux en France. C’est chez nous tous. »

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