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Pourparlers sur le nucléaire : l’Iran prêt à céder sur le statut des GRI en échange d’un allègement des sanctions

Les États-Unis n’ont pas encore répondu à cette nouvelle proposition, qui prévoit une levée des sanctions imposées à une branche économique du corps des Gardiens de la révolution islamique
Une Iranienne brandit un portrait de Qasem Soleimani, commandant du corps des Gardiens de la révolution islamique, lors d’un rassemblement au stade Azadi de Téhéran, le 26 mai 2022 (AFP)
Une Iranienne brandit un portrait de Qasem Soleimani, commandant du corps des Gardiens de la révolution islamique, lors d’un rassemblement au stade Azadi de Téhéran, le 26 mai 2022 (AFP)

Selon des sources interrogées par Middle East Eye, l’Iran entend renoncer au retrait du corps des Gardiens de la révolution islamique (GRI) de la liste des groupes terroristes établie par Washington, ce qu’il réclamait en échange d’un allègement des sanctions, cherchant ainsi à donner un second souffle aux efforts de relance de l’accord sur le nucléaire.

L’accord sur le nucléaire de 2015 a été signé entre l’Iran et les États-Unis sous l’administration Obama pour limiter le programme nucléaire iranien en échange d’un allègement des sanctions américaines. Mais en 2018, le président américain Donald Trump est sorti unilatéralement de l’accord et a réimposé les sanctions. 

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Après l’arrivée au pouvoir de Joe Biden l’an dernier, les pourparlers visant à relancer l’accord ont repris. Mais ils se trouvent au point mort depuis mars, l’Iran exigeant que la Maison-Blanche revienne sur la décision prise par Donald Trump en avril 2019 de désigner les GRI comme une organisation terroriste étrangère.

L’administration américaine a jusqu’à présent rejeté cette demande iranienne, la jugeant « au-delà » de l’accord.

Cette désignation est considérée comme le dernier obstacle à un retour négocié de l’accord, nombreux étant ceux qui y voient le seul moyen d’empêcher l’Iran de se procurer une bombe atomique. 

Alors que les chances de relance de l’accord semblent faibles, une source interrogée par Middle East Eye affirme que l’Iran propose désormais de renoncer à son exigence au sujet des GRI.

Téhéran demande toutefois une levée des sanctions imposées par les États-Unis contre le quartier général central de Khatam al-Anbiya, une branche économique des GRI, ainsi qu’à une poignée d’autres entités. 

Abandonner les questions étrangères à l’accord

Selon une autre source interrogée par MEE, les États-Unis n’ont pas encore répondu à cette proposition, décrite comme une solution « intermédiaire ».

Toutefois, les déclarations des responsables américains invitent à croire que les États-Unis n’y sont pas favorables. Mercredi, Ned Price, porte-parole du département d’État, a déclaré que « Téhéran [doit] décider d’abandonner les questions étrangères au plan d’action conjoint [autre nom de l’accord] ».

« Nous pensons que si l’Iran prend cette décision politique, nous serons en mesure de conclure et de poursuivre un retour mutuel au respect du plan d’action conjoint très rapidement », a-t-il précisé.

Des manifestants brûlent le drapeau américain lors d’un rassemblement à Téhéran le 10 mai 2019 (AFP)
Des manifestants brûlent le drapeau américain lors d’un rassemblement à Téhéran le 10 mai 2019 (AFP)

Washington souligne que si Téhéran cherche à obtenir des concessions extérieures de la part des États-Unis, il doit également proposer des concessions allant au-delà du plan d’action conjoint, telles qu’un accord les engageant à ne pas cibler les responsables de l’autre partie.

En parallèle, une source confirme à MEE qu’un tel accord a été mis sur la table et que l’Iran et les États-Unis envisageaient un accord les empêchant de cibler les responsables de l’autre partie en échange du retrait des GRI de la liste américaine d’organisations terroristes étrangères. 

La source précise toutefois que les États-Unis souhaitaient que l’Iran rende public cet accord dans la mesure où les deux pays « n’ont aucune confiance mutuelle ». Devant cette insistance, l’Iran s’est rétracté de son accord précédent. 

« Il était très coûteux pour le gouvernement conservateur du président Ebrahim Raïssi d’annoncer la conclusion d’un accord les engageant à ne pas tuer de responsables américains, y compris d’anciens responsables », indique à MEE un analyste politique iranien, sous couvert d’anonymat.

« Il était très coûteux pour le gouvernement conservateur du président Ebrahim Raïssi d’annoncer la conclusion d’un accord les engageant à ne pas tuer de responsables américains, y compris d’anciens responsables »

– Un analyste politique iranien à MEE

« Cela allait à l’encontre de leur promesse précédente selon laquelle les assassins du commandant [de la force] al-Qods Qasem Soleimani seraient poursuivis. »

En 2020, Trump a ordonné l’assassinat du général Soleimani, le plus haut commandant des GRI, tué par une frappe aérienne américaine le 3 janvier au cours d’un voyage officiel en Irak

Après le désaccord sur la promesse publique de ne pas cibler les responsables américains, l’Iran et les États-Unis ont attendu pendant des semaines une éventuelle concession de l’autre partie, mais celle-ci n’est pas venue. 

Une question à négocier ultérieurement

Même en mai, alors que l’Union européenne a envoyé son représentant en Iran, les deux parties n’ont montré aucune souplesse.

On rapportait alors qu’Enrique Mora, le négociateur de l’UE, avait transmis à Téhéran un message des États-Unis selon lequel ils ne seraient pas en mesure de retirer les GRI de la liste des organisations terroristes étrangères dans le cadre de l’accord de relance du plan d’action conjoint, mais qu’ils pourraient négocier cette question ultérieurement. 

Le 8 juin, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a déclaré que Téhéran avait mis une nouvelle offre sur la table, sans donner plus de détails.

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Il a également prévenu que si les États-Unis et trois pays européens (France, Royaume-Uni et Allemagne) adoptaient une résolution contre l’Iran au Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Téhéran réagirait durement. 

Les États-Unis ont pourtant adopté une résolution contre l’Iran pour son manque de coopération avec l’AIEA au sujet des particules d’uranium trouvées dans trois sites iraniens « non déclarés ». 

« Les États-Unis semblent jouer avec le temps car ils savent que l’Iran a des problèmes économiques », indique l’analyste politique à MEE.

« Il serait très difficile pour l’Iran de revenir sur sa demande [de retrait des GRI de la liste], car cela porterait gravement atteinte à Raïssi et à toute la base de soutien des partisans de la ligne dure. »

Il précise par ailleurs que « la pression de l’opinion publique sur Raïssi s’est accrue : beaucoup sur les réseaux sociaux et dans les médias le pointent du doigt, ainsi qu’Ali Bagheri, le chef de son équipe de négociation, pour leur manque de compétences en matière de négociations ».

« C’est pourquoi ils se trouvent dans une position délicate. S’ils renoncent à leurs revendications, ils devront faire face à la colère des partisans de la ligne dure, tandis que s’ils ne rétablissent pas l’accord sur le nucléaire de 2015, on se détournera d’eux. » 

« Nous sommes séparés de nos familles et nous perdons nos places d’étudiants et nos postes professionnels »

- Payman, un ingénieur iranien anciennement conscrit au sein des GRI

En parallèle, un certain nombre d’Iraniens ont écrit une lettre au président américain Biden et au secrétaire d’État Antony Blinken, les exhortant à résoudre leur problème de refus d’entrée aux États-Unis en raison du fait qu’ils ont été conscrits précédemment au sein des GRI.  

« Ma demande d’immigration et celle de nombreuses autres personnes, notamment des migrants, des étudiants et des gagnants de la loterie [pour entrer aux États-Unis], ont été rejetées en raison de notre période de conscription au sein des GRI. Nous ne sommes pas autorisés à entrer aux États-Unis », affirme à MEE Payman, un ingénieur iranien anciennement conscrit au sein des GRI.

« Nous sommes séparés de nos familles et nous perdons nos places d’étudiants et nos postes professionnels », ajoute-t-il, soulignant que ce problème l’empêche de rejoindre son épouse aux États-Unis.

Il précise qu’avec d’autres personnes dans sa situation, ils ont adressé des courriers à des responsables et des législateurs américains pour leur demander d’établir « une distinction entre les conscrits et le personnel des GRI ».

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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