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« Souriez-tuez-jouissez » : Avinoam Emunah, le chef pressenti de la nouvelle « garde nationale » d’Israël

​​​​​​​Un commandant de l’armée israélienne connu pour avoir encouragé ses soldats à tuer des Palestiniens et refusé de travailler avec une femme pour des raisons religieuses est en lice pour diriger une nouvelle unité de sécurité controversée
Avinoam Emunah s’exprime lors de la cérémonie de passation de commandement de la 474e brigade territoriale de l’armée israélienne, le 6 juillet 2020 (Unité du porte-parole de l’armée israélienne)

Le gouvernement israélien a approuvé ce mois-ci le projet d’établissement d’une « garde nationale » sous le commandement direct du ministre de la Sécurité nationale, le politicien d’extrême droite Itamar Ben Gvir.

Les Palestiniens craignent que la force, qui se concentrera sur la lutte contre les « émeutes » ou le « crime » dans les zones où vit la minorité palestinienne d’Israël, ne soit utilisée contre eux.

La garde nationale, à laquelle se sont opposés de hauts responsables de la sécurité israélienne, disposera d’un budget d’un milliard de shekels (environ 277 millions de dollars) et emploiera quelque 2 000 gardes qui auront la même autorité que les policiers.

Ben Gvir a déjà commencé à réfléchir à des candidats pour la commander afin de s’assurer que le programme de son chef s’aligne bien sur le sien.

Selon le journal israélien Haaretz, l’un des principaux candidats est Avinoam Emunah, un colonel à la retraite connu pour avoir encouragé ses soldats à tuer des Palestiniens, refusé de travailler avec une femme et pour ses strictes opinions religieuses.

Middle East Eye examine de plus près sa carrière et ce que pourrait signifier sa potentielle nomination à la tête de la « garde nationale » de Ben Gvir.

Carrière militaire

Parmi les différents rôles joués par Emunah dans l’armée, figure son service au sein de l’Unité 101, la force de parachutistes d’élite d’Israël, jusqu’à en devenir le commandant.

L’Unité 101 est l’une des unités les plus tristement célèbres de l’armée israélienne. Elle a été créée en 1953 et dirigée au départ par l’ancien général et Premier ministre Ariel Sharon, qui lui donnera l’ordre de terroriser les communautés civiles palestiniennes, jordaniennes et égyptiennes au-delà des frontières d’Israël. Elle a mené des frappes punitives impromptues contre des civils et a été fréquemment accusée d’inventer ses propres missions plutôt que de suivre les instructions du chef d’état-major de l’armée.

« La plupart du temps, vous les verrez fuir... Tuez-les pendant qu’ils fuient »

- Avinoam Emouna

Pendant son service au sein de l’unité 101, Emunah a participé à de violents combats et à de vastes campagnes de répression anti-palestinienne pendant la deuxième Intifada, l’invasion du Liban en 2006 et la guerre contre Gaza en 2014.

La carrière militaire de l’homme de 43 ans a connu une progression rapide, à l’exception d’un gel de deux ans dans le cadre d’une réprimande reçue alors qu’il commandait l’Unité Maglan.

Sous sa surveillance, un soldat avait été grièvement blessé après avoir sauté d’une jeep en mouvement dans un buisson dans le cadre d’une cérémonie d’initiation traditionnelle de l’unité.

Emunah est tout de même devenu le commandant de l’école de commandement tactique de l’armée israélienne et a commandé la division Hermon sur le plateau du Golan syrien occupé.

Engagement religieux

Avinoam Emunah est également connu pour ses opinions religieuses très pieuses et orthodoxes. Bien qu’il soit issu d’une famille laïque, il est devenu un juif pratiquant strict.

Dans l’armée, il a insisté pour passer une grande partie de son temps à prier et étudier les textes sacrés parallèlement à ses opérations militaires, au point d’avoir été critiqué pour avoir tenu à rester éveillé la nuit afin d’étudier les textes religieux avant des missions importantes et dangereuses.

Lors de son commandement d’une garnison sur le plateau du Golan syrien occupé, il a refusé d’accepter qu’une femme devienne son porte-parole, invoquant des raisons religieuses.

Après 24 ans de service militaire, Emunah a quitté l’armée l’année dernière lorsque sa promotion au poste de commandement de la division des parachutistes lui a été refusée.

Selon le journal religieux de droite Arutz Sheva, des sources au sein de l’armée auraient déclaré que, plutôt que son zèle religieux, la raison pour laquelle il s’était vu refuser la promotion était son enthousiasme excessif vis-à-vis de l’usage de la force en tant que commandant.

« Souriez-tuez-jouissez »

Selon les sources, Emunah punissait les soldats qui ne recouraient pas suffisamment à la violence dans la bande de Gaza.

Une vidéo filmée pendant la guerre de Gaza en 2014 le montre en train de dire à ses soldats que cela va être « beaucoup moins agréable » d’être un Arabe.

« La plupart du temps, vous les verrez fuir... Tuez-les pendant qu’ils fuient », l’entend-on dire à ses soldats.

« Souriez, les gars. Vous devriez en jouir. Essayez d’en jouir. »

La milice privée de Ben-Gvir menace les Palestiniens et la sécurité d’Israël
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Il a également qualifié les combattants palestiniens de « rats ».

Dans un article de 2015 publié dans un magazine de l’armée, il a qualifié la devise « souriez-tuez-jouissez » de « mots pour encourager » les troupes, selon Haaretz.

Pinhas Hoshen, l’un des soldats sous le commandement d’Emunah, a témoigné que ce dernier avait eu une forte réaction émotionnelle face aux menaces encourues par des Israéliens en Cisjordanie occupée. Il n’a jamais admis qu’en tant qu’officier d’une armée d’occupation, son obligation en vertu du droit international était avant tout de protéger la population palestinienne occupée.

Lorsqu’Emunah a quitté l’armée, il a été félicité pour ses bons services par le député de l’opposition Matan Kahana dans une lettre ouverte.

Certains craignent que ses paroles, en tant que membre de l’opposition, n’aient pu légitimer les sentiments anti-palestiniens d’Emunah aux yeux de la société israélienne et ne compliquent les objections à sa nomination.

Beaucoup ont déjà soulevé des craintes quant au fait que Ben Gvir – lui-même connu pour ses incitations à la haine contre les Palestiniens et son soutien à un groupe désigné comme terroriste – pourrait politiser le commandement de la force et en faire sa propre « milice privée ».

Traduit de l’anglais (original).

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