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Législatives en Israël : Netanyahou se rapproche du pouvoir alors que l’extrême droite se hisse au troisième rang

Au lendemain des législatives ayant placé son parti en tête, l’ex-Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou semble se rapprocher de la victoire grâce à l’extrême droite, même si les résultats définitifs pourraient causer des surprises
 Les militants du parti d’extrême droite israélien Otzma Yehudit du suprémaciste Ben-Gvir dans un hôtel à Jérusalem après la fin du vote, le 1er novembre 2022 (AFP/Jalaa Marey)
Les militants du parti d’extrême droite israélien Otzma Yehudit du suprémaciste Itamar Ben-Gvir dans un hôtel à Jérusalem après la fin du vote, le 1er novembre 2022 (AFP/Jalaa Marey)

« Netanyahou cherche une victoire décisive, Lapid espère l’égalité, Ben-Gvir fête la victoire. » Ainsi titrait, ce mercredi, le journal le plus vendu de la presse israélienne, Yediot Aharonot, au sujet de ces cinquièmes législatives en trois ans et demi.

Crédité de 30 à 32 sièges, le Likoud (droite) de Benyamin Netanyahou arrive devant la formation centriste Yesh Atid (« Il y a un futur ») du Premier ministre sortant Yaïr Lapid qui récolterait entre 22 et 23 sièges sur les 120 du Parlement, selon les projections actualisées mercredi matin par trois grandes chaînes israéliennes.

Les alliés d’extrême droite de Netanyahou, Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, sont eux arrivés en troisième position avec 13 à 15 sièges, soit le double des sièges dont ils disposaient jusqu’à l’heure. 

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Suit le parti de centre-droit de l’ex-chef de l’armée Benny Gantz, crédité de 11 à 12 sièges, et membre de la coalition sortante.

Avec ses alliés, le Likoud de Benyamin Netanyahou compterait 62 sièges, soit un de plus que la majorité. Mais ces scores pourraient changer à l’annonce des résultats officiels, notamment en fonction des sièges remportés par les petits partis.

À 9 h 30 (07H30 GMT), environ 80 % des bulletins avaient été dépouillés et deux listes – un parti arabe et la formation de gauche Meretz – flirtaient avec le seuil d’éligibilité, d’après la commission électorale.

« J’ai de l’expérience, j’ai fait quelques élections, nous devons attendre les résultats définitifs mais notre chemin, celui du Likoud, a prouvé qu’il était le bon, nous sommes près d’une grande victoire », a lancé dans la nuit Netanyahou à ses partisans réunis à Jérusalem.

À droite toute

Jugé pour corruption et plus pérenne des chefs de gouvernement de l’histoire d’Israël, Benyamin Netanyahou, 73 ans, avait perdu le pouvoir en juin 2021 au profit d’une coalition hétéroclite mise sur pied par Yaïr Lapid.

« Tant que le dernier bulletin de vote n’est pas compté, rien n’est joué. Nous attendrons patiemment, même si nous n’avons pas de patience, les résultats définitifs », a affirmé ce dernier à ses partisans réunis dans la métropole de Tel-Aviv. 

Mais déjà, un ancien du Likoud, l’actuel ministre de la Justice Gideon Saar, a prévenu du risque de voir Israël se diriger vers une « coalition d’extrémistes » menée par Netanyahou et ses alliés. 

« Les gens veulent marcher en sécurité dans les rues, que nos soldats et policiers ne soient pas pieds et poings liés », a déclaré Ben-Gvir, réitérant ainsi son appel à user de la force, notamment contre les Palestiniens à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupée.

« Le moteur de la politique israélienne est le sionisme religieux, dirigé par Ben-Gvir et Smotrich, des racistes ouverts qui ont lancé l’idée de retirer la citoyenneté des citoyens palestiniens d’Israël, entre autres politiques destructrices »

- Meron Rapoport, analyste

« Israël est sur le point d’entamer une révolution de droite, religieuse et autoritaire, dont le but est de détruire l’infrastructure démocratique sur laquelle le pays a été construit », s’est alarmé mercredi le grand quotidien de gauche Haaretz. « Il pourrait s’agir d’un jour sombre dans l’histoire d’Israël. »

L’analyste politique Meron Rapoport estime, dans un entretien accordé à Middle East Eye, que le résultat du leader du Likoud est loin d’être l’aspect le plus significatif de ces élections : « Le moteur de la politique israélienne est le sionisme religieux, dirigé par Ben-Gvir et Smotrich, des racistes ouverts qui ont lancé l’idée de retirer la citoyenneté des citoyens palestiniens d’Israël, entre autres politiques destructrices. »

Avant de poursuivre : « C’est un parti qui a influencé le Likoud, qui a largement adopté son langage, et c’est aussi un parti qui songe à éliminer la démocratie à sa base. Ben-Gvir parle d’une loi qui verrait toute personne qui s’oppose au régime, qu’elle soit arabe ou juive, expulsée. »

Meron Rapoport a également noté que les Palestiniens qui sont restés en Israël après 1948 ont reçu la citoyenneté de David Ben Gourion, un statut qui est toujours resté sacro-saint. « Pourtant, ces futurs ministres envisagent probablement de supprimer cela. »

Les partis arabes en ordre dispersé

Pour ces cinquièmes législatives en l’espace de trois ans et demi, la classe politique craignait une « fatigue » des 6,8 millions d’électeurs inscrits. C’est le contraire qui s’est produit, avec un taux de participation de 71,3 %, le plus élevé depuis 2015, selon la commission électorale.

Dans le système proportionnel israélien, une liste électorale doit obtenir au moins 3,25 % des voix pour entrer au Parlement avec ainsi un minimum de quatre sièges, une situation particulièrement critique pour les partis de l’importante minorité arabe israélienne, descendante des Palestiniens restés sur leurs terres à la création d’Israël en 1948.

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En 2020, les partis arabes, hostiles au bloc de droite de Benyamin Netanyahou, avaient récolté un record de 15 sièges après une campagne sous une seule bannière. 

Mais cette fois, ils se sont présentés en ordre dispersé sous trois listes –Raam (islamiste modéré), Hadash-Taal (laïc) et Balad (nationaliste) – et si certains n’atteignent pas le seuil d’éligibilité, cela augmenterait les chances de Netanyahou de revenir aux affaires.

« Les résultats montrent que Netanyahou a le plus de chance de former un gouvernement avec des fascistes à ses côtés », s’est inquiétée Aïda Touma-Suleiman, députée de Hadash-Taal. « Et cela nous préoccupe grandement [...] car cela témoigne de la direction que prend ce pays et ce qui attend les Palestiniens vivant dans ce pays. »

En Cisjordanie occupée, théâtre d’un regain de violence, le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a dénoncé une « montée de l’extrémisme et du racisme dans la société israélienne » dont le peuple palestinien « souffre depuis des années ».

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