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EXCLUSIF : Les drones iraniens lancés sur les sites pétroliers saoudiens auraient été tirés depuis l’Irak

Un responsable des services de renseignement irakiens a déclaré à MEE que les frappes avaient été menées en représailles contre de précédentes attaques de drones israéliennes financées par Riyad contre Hachd al-Chaabi
Les attaques ont réduit la production de pétrole saoudienne d'environ 5,7 millions de barils par jour, soit environ 5 % de la production mondiale de brut quotidienne (Reuters)

Les frappes qui ont paralysé l’industrie pétrolière saoudienne samedi matin, l’obligeant à réduire de moitié sa production de pétrole brut, ont été perpétrées par des drones iraniens lancés depuis des bases de Hachd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaires) dans le sud de l’Irak, a déclaré à Middle East Eye un haut responsable des renseignements irakiens.

Les milices Hachd al-Chaabi sont ouvertement soutenues par l’Iran, en hommes et en équipements, et font partie, depuis fin 2016, de l’armée irakienne sous l’autorité directe du Premier ministre. Elles sont opposées à la présence des forces américaines, déployées en Irak dans le cadre de la coalition internationale sous commandement américain.

Les attaques sur Abqaiq et Khurais seraient des représailles contre les frappes de drones israéliennes sur les bases et les convois du Hachd al-Chaabi

Les attaques sur Abqaiq et Khurais, deux installations clés d’Aramco dans l’est de l’Arabie saoudite, seraient des représailles contre les frappes israéliennes de drones sur les bases et les convois du Hachd al-Chaabi en août, coordonnées et financées par les Saoudiens, a annoncé le responsable.

« Deux raisons expliquent cette dernière attaque : c’est un autre message de l’Iran aux États-Unis et à leurs alliés – à savoir que tant que le blocus contre l’Iran sera maintenu, il n’y aura de stabilité pour personne dans la région. La seconde raison, plus directe, est qu’il s’agit d’une revanche forte de l’Iran après les récentes attaques israéliennes par drones lancées depuis des zones contrôlées par la milice des Forces démocratiques syriennes (FDS) en Syrie contre les bases pro-iraniennes du Hachd al-Chaabi », a-t-il déclaré.

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« Ces attaques de drones israéliens ont été soutenues et financées par les Saoudiens. C’est la raison pour laquelle l’attaque récente a été la plus dévastatrice, alors que les attaques précédentes étaient plus symboliques et n’avaient fait que peu de dégâts », a déclaré le responsable.

En août, cinq attaques de drones contre la milice du Hachd al-Chaabi, soutenue par l’Iran, ont été lancées à partir de bases kurdes sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS) du nord-est de la Syrie, avait rapporté MEE.

Les drones avaient frappé des bases, des dépôts d’armes et un convoi appartenant à Hachd al-Chaabi. Un combattant avait été tué et un autre gravement blessé.

Les services de renseignement irakiens ont fait un lien entre ces frappes et la visite, en juin, du ministre saoudien des Affaires du Golfe, Thamer al-Sabhan, aux FDS en Syrie.

Drone vu au-dessus du palais du Prince du Koweït

Les services de renseignement irakiens ont refusé de préciser de quelles bases les drones avaient été lancés samedi.

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Cependant, notre source a confirmé que la distance entre le sud de l’Irak et les champs pétrolifères saoudiens était d’environ la moitié de la distance que les drones auraient dû parcourir s’ils avaient été lancés depuis des bases houthies dans le nord du Yémen.

Il a ajouté que les drones devaient parcourir entre 500 km et 600 km et que, s’ils avaient été lancés depuis des bases houthies, ils auraient dû parcourir une distance comprise entre 1 100 km et 1 300 km.

La trajectoire de vol des drones du sud-ouest de l’Irak jusqu’aux champs pétrolifères de l’est de l’Arabie saoudite les aurait conduits au-dessus de la mer ou à travers l’espace aérien du Koweït.

Les médias koweïtiens ont rapporté samedi qu’un drone de trois mètres volait au-dessus du palais de Dar Salwa au centre de la ville de Koweït.

Selon le journal Alrai, un avion sans pilote de trois mètres de long, venant de la mer, serait descendu à une altitude de 250 mètres au-dessus du palais. Le drone a plané près de la plage d’Al Badaa et s’est dirigé vers la ville de Koweït.

MEE n’a pas été en mesure de confirmer si cet événement était lié à l’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes.

Le gouvernement du Koweït a déclaré dimanche qu’il enquêtait sur l’observation du drone.

« Les responsables de la sécurité ont ouvert les enquêtes nécessaires au sujet de l’observation d’un drone sur la côte de Koweït et des mesures prises pour y faire face », a déclaré le gouvernement sur son compte Twitter.

Le Premier ministre, Jaber al-Moubarak al-Sabah, a demandé aux officiers de l’armée et de la sécurité de renforcer la sécurité dans les installations vitales du producteur de l’OPEP et de prendre toutes les mesures nécessaires « pour protéger la sécurité du Koweït ».

Démenti irakien

Les Houthis ont revendiqué l’attaque de samedi, mais le responsable des services secrets irakien a affirmé : « Ce ne sont pas les Houthis. Il s’agissait de drones iraniens lancés depuis les bases du Hachd al-Chaabi ».

Embarrassé, le gouvernement irakien a été contraint samedi de publier une déclaration niant les attaques de drones contre l’Arabie Saoudite à partir de son territoire.

Embarrassé, le gouvernement irakien a été contraint de nier les attaques de drones contre l’Arabie saoudite à partir de son territoire

Le communiqué du bureau de presse du Premier ministre indiquait : « L’Irak dément ce que les médias et les réseaux sociaux ont rapporté sur l’utilisation de ses territoires pour lancer une attaque sur des installations pétrolières saoudiennes à l’aide de drones. Il affirme son engagement constitutionnel à empêcher l’utilisation de ses territoires pour l’agression contre ses voisins, ses frères et ses amis. Le gouvernement irakien traitera fermement et avec détermination quiconque tentera de violer la Constitution. Un comité composé des parties irakiennes concernées a été formé afin de rechercher des informations et de suivre l’évolution de la situation. »

« Entre le marteau et l’enclume »

Depuis des mois, le Premier ministre irakien Adel Abdel-Mehdi tente désespérément d’empêcher que son pays soit utilisé comme champ de bataille dans une guerre par procuration entre les États-unis et l’Iran.

Il y a quelques mois, l’armée américaine lui avait annoncé son intention de cibler un aérodrome tenu par le Hezbollah irakien après des frappes de drones sur des installations pétrolières dans le Golfe.

Selon des témoins de cet échange, Abdel-Mehdi aurait déclaré aux Américains qu’il ne pouvait pas les empêcher de frapper où bon leur semblait, mais il ne pouvait pas non plus empêcher les frappes de représailles menées par les milices soutenues par l’Iran contre les troupes américaines et les bases en Irak.

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La frappe américaine contre le Hezbollah irakien n’a jamais eu lieu. Au lieu de cela, les États-unis ont autorisé Israël à utiliser ses drones depuis des bases FDS dans le nord-est de la Syrie.

En août, Abdel-Mehdi a été soumis à une énorme pression pour accuser Israël d’avoir lancé des drones afin d’attaquer des cibles sur le territoire irakien.

« Notre Premier ministre Adel Abdel-Mehdi se trouve entre le marteau et l’enclume », a déclaré à MEE une source des renseignement irakiens.

« Il a dit aux Iraniens et aux Américains que l’Irak était épuisé après des décennies de guerres, de conflits et de guerre civile. L’entraîner au centre de la guerre par procuration entre l’Iran, d’une part, et les États-Unis et ses alliés régionaux, de l’autre, risque de causer des dommages irréparables à sa stabilité et à son unité, avec des conséquences énormes pour toute la région. »

« Téhéran est derrière une centaine d’attaques contre l’Arabie saoudite »

- Mike Pompeo, secrétaire d’État américain

Cependant, le plaidoyer du Premier ministre a été vain. « Aucune des deux parties n’écoute », a déclaré le responsable.

Samedi, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, a accusé l’Iran de mener les attaques contre l’Arabie saoudite et a dénoncé Téhéran pour sa diplomatie mensongère. 

« Téhéran est derrière une centaine d’attaques contre l’Arabie saoudite tandis que Rohani et Zarif prétendent s’engager sur la voie diplomatique », a déclaré Pompeo sur Twitter, faisant référence au président iranien Hassan Rohani et au ministre des Affaires étrangères, Mohammed Javad Zarif.

« Au milieu de tous ces appels à une désescalade, l’Iran vient de lancer une attaque sans précédent contre l’approvisionnement énergétique de la planète », a tweeté Pompeo, ne fournissant aucune preuve de l’origine des attaques, selon l’agence de presse Reuters.

Traduit de l’anglais (original).

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