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Comment les accusations de corruption affecteront-elles l’avenir politique de Netanyahou ?

Même si la carrière de Benyamin Netanyahou prend fin et qu’une nouvelle coalition de centre-droit prend les rênes du pouvoir, les politiques anti-palestiniennes se poursuivront
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, candidat à sa réélection le 9 avril prochain, est inculpé dans le cadre de plusieurs affaires de corruption (AFP)

Le procureur-général israélien Avichai Mandelblit a annoncé ce jeudi que le Premier ministre Benyamin Netanyahou serait inculpé dans le cadre de trois affaires de corruption.

« Vous avez nui à l’image du service public et à sa confiance », a écrit Mandelblit à Netanyahou dans sa décision. « Vous avez agi en situation de conflit d’intérêts, vous avez abusé de votre autorité en tenant compte d’autres considérations relatives à vos intérêts personnels et à ceux de votre famille. Vous avez corrompu des fonctionnaires qui travaillaient pour vous. »

Cette annonce intervient à peine 40 jours avant l’élection nationale à laquelle le dirigeant israélien devait se présenter pour un 5e mandat, chose inédite. Le Likoud de Netanyahou a tenté un stratagème de dernière minute pour annuler l’inculpation en faisant appel devant la Cour suprême, lequel a été rejeté.

Chute dans les sondages

Bien que le Likoud ait débuté la campagne électorale en tête, la situation s’est dégradée. L’ancien chef d’État-major de l’armée israélienne, Benny Gantz, a formé un nouveau parti, Hosen L’Yisrael, puis l’a fusionné avec Yesh Atid de Yaïr Lapid. Ils ont appelé leur nouvelle coalition de centre-droit Bleu Blanc, et celle-ci a décollé, selon les derniers sondages. Même avant l’inculpation, les électeurs israéliens donnaient une légère avance à l’union Gantz-Lapid ; celle-ci s’accentuera probablement maintenant que Netanyahou fait l’objet de poursuites.

La police et le procureur enquêtent sur le Premier ministre depuis plusieurs années dans le cadre de quatre dossiers d’accusations, connus sous le nom d’affaire 1000, 2000, 3000 et 4000. La première affaire concerne des cadeaux d’une valeur de 280 000 dollars provenant de milliardaires, dont le producteur hollywoodien et ancien espion du Mossad Arnon Milchan et l’homme d’affaires australien James Packer. Chacun d’eux aurait demandé une intervention sur des demandes de résidence ou de visas et, en retour, auraient couvert le dirigeant israélien et sa femme de cigares cubains raffinés, de champagne rosé et de séjours dans des hôtels de luxe.

Ses partisans du Likoud et les autres partis de sa coalition le soutiendront-ils ou sentiront-ils l’odeur du sang et l’obligeront-ils à démissionner ?

Dans l’affaire 2000, Netanyahou aurait demandé une couverture médiatique positive à Arnon Mozes, l’éditeur de Yedioth Ahoronoth, en échange de politiques qui affaibliraient la concurrence du quotidien gratuit de Sheldon Adelson, Israel Hayom

L’affaire 4000 concerne Bezeq, le principal opérateur de télécommunications israélien, qui était également propriétaire du principal portail d’informations en ligne du pays, Walla. Netanyahou aurait promis de faciliter un accord de fusion en échange d’une couverture favorable.

Et maintenant ? Netanyahou va-t-il tenter de rallier ses troupes et de conserver la direction de son parti ? Ses partisans du Likoud et les autres partis de sa coalition le soutiendront-ils ou sentiront-ils l’odeur du sang et l’obligeront-ils à démissionner ? Cela pourrait-il se produire avant les élections ?

Peur et haine

Bien que Netanyahou, comme le président américain Donald Trump, instille une combinaison de peur et de haine chez ses partisans et chez les membres de son gouvernement de coalition, les politiciens sont surtout des survivalistes. Si leur fidélité à Netanyahou leur rapporte de moins en moins, ils se tourneront vers une personnalité sans tache, telle que Gideon Saar, pour les diriger.

Que Netanyahou démissionne ou non avant les élections, sa coalition semble se trouver dans une situation périlleuse. Un récent sondage du Times of Israel a révélé que les Israéliens pourraient être de plus en plus nombreux à se tourner vers la coalition Bleu Blanc : 44 sièges contre 25 pour le Likoud, ce qui l’amènerait facilement en position pour former une nouvelle coalition au pouvoir.

Des sondages montrent que le Likoud de Netanyahou risque de perdre des sièges à la Knesset (AFP)
Des sondages montrent que le Likoud de Netanyahou risque de perdre des sièges à la Knesset (AFP)

Si le Likoud contraint Netanyahou à la démission, cela pourrait accroître les chances du parti. À moins que le Premier ministre, qui a l’habitude des combats de rue et est un survivant de la politique, ne tire un lapin de son chapeau, sa carrière risque de prendre bientôt fin.

Cependant, cela changerait-il quelque chose ? Même si une nouvelle coalition de centre-droit prend les rênes du pouvoir, y aura-t-il des changements sur la question palestinienne ou sur les tensions persistantes le long des frontières entre Israël, le Liban et la Syrie ? Pour répondre à cette question, il convient de noter que deux des trois principales personnalités de Bleu Blanc sont d’anciens chefs d’État-major de l’armée israélienne. Ils n’ont pas acquis leur réputation en cherchant un compromis avec les Palestiniens.  

En fait, la vidéo produite par Gantz pour le lancement de sa campagne comporte des images de drones montrant les ruines de Gaza (à l’image de celles de Dresde en 1945) résultant de l’offensive israélienne de 2014 sous son commandement. L’ancien chef d’État-major aurait utilisé ces images sans la permission de son propriétaire basé à Gaza, chose caractéristique du traitement général des Palestiniens par Israël.

L’« accord du siècle » de Trump

Le dernier ancien chef d’État-major de l’armée israélienne à avoir plaidé véritablement pour la paix avec les Palestiniens, Yitzhak Rabin, a été assassiné par un colon extrémiste. Son assassinat a permis à Netanyahou de remporter sa première victoire électorale, et à l’exception d’une période de dix ans, il est au pouvoir depuis lors. Quelqu’un comme Gantz aura retenu la leçon.

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Le président américain Donald Trump a notoirement qualifié ses efforts pour négocier la paix au Moyen-Orient d’« accord du siècle ». Son gendre, Jared Kushner, a fait une grande tournée dans la région, avec des escales dans le Golfe, en Israël et en Turquie. Ce voyage est un prélude au lancement très attendu du plan de paix, qui ne réussira probablement pas à impressionner ceux qu’il cherche à appâter.

Au lieu de résoudre les différends politiques ou de reconnaître les droits nationaux, il chercherait à englober tout le processus dans une négociation financière. Selon un article publié dans le New York Times, la Maison-Blanche n’a pas révélé les détails de la composante économique, « les analystes qui suivent l’évolution de la situation ont indiqué qu’on leur avait dit que cela impliquerait d’investir environ 25 milliards de dollars en Cisjordanie et à Gaza sur dix ans et 40 milliards de dollars supplémentaires en Égypte, en Jordanie et peut-être au Liban, en fonction de leurs efforts pour atteindre certains objectifs ». 

En contrepartie, les parties arabes devraient vraisemblablement renoncer à toute revendication à l’encontre d’Israël, y compris la réinstallation de réfugiés palestiniens chez eux.

Une transaction commerciale

Lorsqu’il était en Israël, Kushner a fait cette déclaration digne d’un conte de fées, révélant sa mauvaise compréhension de ce conflit : « Le plan politique, qui est très détaillé, concerne véritablement l’établissement de frontières et la résolution des problèmes de statut final. L’objectif de la résolution des questions frontalières est véritablement d’éliminer les frontières. Si vous pouvez éliminer les frontières et avoir la paix et moins peur du terrorisme, vous pourrez avoir un flux de marchandises plus libre, un flux de personnes plus libre et cela créera bien plus d’opportunités. »

Cela ressemble plus à de la poudre aux yeux qu’à de la diplomatie internationale. Comment peut-on « établir une frontière » qui élimine les frontières et crée miraculeusement une manne financière pour tous ? Il oublie que ni le commerce, ni la liberté de circulation ne sont la clé, ni même l’une des difficultés majeures du conflit. Il s’agit bien sûr des droits politiques et nationaux.

L’échec du plan de Trump – et il échouera – permet à Israël de se tirer d’affaire

En d’autres termes, Kushner considère le conflit israélo-palestinien comme une transaction commerciale. En injectant suffisamment d’argent dans l’affaire, chaque partie aura quelque chose et repartira, si elle n’est pas heureuse, du moins comblée financièrement. C’est peut-être ainsi que fonctionnent les transactions immobilières, mais ce n’est pas ainsi que fonctionne la politique au Moyen-Orient.

L’échec du plan de Trump – et il échouera – permet à Israël de se tirer d’affaire. En l’absence de négociations politiques sérieuses, Israël maintient le statu quo. Il y aura peu de pression pour prendre une quelconque initiative, car Israël pourra pointer du doigt le plan des États-Unis et dire qu’il a échoué.

- Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso), et est l’auteur d’un autre essai dans la collection, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield).

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Richard Silverstein writes the Tikun Olam blog, devoted to exposing the excesses of the Israeli national security state. His work has appeared in Haaretz, the Forward, the Seattle Times and the Los Angeles Times. He contributed to the essay collection devoted to the 2006 Lebanon war, A Time to Speak Out (Verso) and has another essay in the collection, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield) Photo of RS by: (Erika Schultz/Seattle Times)
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