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La Turquie expulse des centaines de réfugiés syriens vers la province d’Idleb ravagée par la guerre

La police a également raflé quelque 5 000 Syriens à Istanbul qui sont enregistrés ailleurs dans le pays, dans une nouvelle vague de répression contre les demandeurs d’asile
Des personnes passent devant une bijouterie syrienne dans le quartier de Küçükçekmece à Istanbul, en Turquie (Reuters)

Les autorités turques ont expulsé environ un millier de Syriens vers la province syrienne d’Idleb depuis la semaine dernière, au cours d’une nouvelle initiative visant à arrêter les personnes qui ont traversé illégalement la frontière turque ou qui auraient commis un crime, a appris Middle East Eye de sources de l’opposition syrienne.

La police a également arrêté plus de 5 000 réfugiés syriens à Istanbul dont les permis de séjour sont enregistrés dans d’autres régions du pays. On s’attend à ce qu’ils soient transférés dans les régions de Turquie où ils sont enregistrés.

La semaine dernière, la police a augmenté ses patrouilles et ses raids dans les quartiers où vivent généralement les Syriens et a même commencé à appréhender les réfugiés qui étaient enregistrés auprès des autorités mais qui n’avaient pas de papiers avec eux à ce moment-là.

Des images ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des réfugiés menottés avec des collier de serrage en plastique et transportés vers des centres de transfert.

Traduction : « Voilà le formulaire de retour volontaire de la Turquie pour les réfugiés syriens que la police les oblige à signer pour les expulser “légalement” en Syrie » / « Vidéo de Syriens arrêtés par la police à #Istanbul et déportés vers un endroit inconnu. »

Khaled Khoja, un politicien de l’opposition syrienne, a rapporté à MEE qu’un réfugié syrien enregistré avait été expulsé vers Idleb parce qu’il n’avait pas ses papiers sur lui.

« Le gouvernement turc n’a pas tort au sujet des réfugiés non enregistrés, mais cela aurait pu être fait d’une meilleure manière, qui ne mette pas en danger la vie des gens. Ils sont transférés dans une zone de guerre », a-t-il rappelé.

La province d’Idleb est le dernier territoire encore tenu par l’opposition syrienne et subit les bombardements quotidiens des forces du président Bachar al-Assad, soutenues par son allié la Russie.

« Cela aurait pu être fait d’une meilleure manière, qui ne mette pas en danger la vie des gens. Ils sont transférés dans une zone de guerre »

- Khaled Khoja, politicien de l’opposition syrienne

L’enclave rebelle est principalement sous le contrôle de l’ancienne section syrienne d’al-Qaïda et abrite actuellement quelque trois millions de Syriens, en grande majorité des civils.

Sur les réseaux sociaux, des activistes affirment que les autorités turques forcent les réfugiés à signer des « papiers d’expulsion volontaire », par crainte des répercussions juridiques internationales qui pourraient découler du fait d’avoir envoyé les déplacés dans une ville déchirée par la guerre.

« Nous continuons d’expulser les réfugiés en situation irrégulière qui sont arrivés illégalement en Turquie », a déclaré le bureau du gouverneur d’Istanbul dans un communiqué lundi, à la suite des critiques formulées par les activistes sur les réseaux sociaux.

« Les réfugiés qui ont un statut de protection temporaire ont jusqu’au 20 août 2019 pour retourner dans les provinces où ils étaient enregistrés à l’origine. Sinon, ils seront transférés par nos forces de sécurité. »

Plus d’un demi-million de réfugiés syriens ayant un statut de protection temporaire sont enregistrés à Istanbul, précise le communiqué.

La décision de les expulser a été prise après une réunion du ministre turc de l’Intérieur Süleyman Soylu avec des membres de la communauté des réfugiés syriens d’Istanbul la semaine dernière.

Soylu a déclaré aux médias arabes lors de cette même réunion que désormais, le gouvernement turc ne tolérerait plus les Syriens entrés illégalement dans le pays.

« Nous fournissons déjà des permis de résidence et de travail aux entreprises syriennes. Il n’est pas juste qu’il y ait des individus qui veuillent encore opérer illégalement », a-t-il dit.

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Un responsable du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, a expliqué à MEE sous couvert d’anonymat que cette décision était fortement liée à la défaite de l’AKP aux élections locales à Istanbul.

« La base du parti s’est plainte des réfugiés syriens comme de quelque chose qui irrite les électeurs. Beaucoup au sein du parti pensent que les difficultés économiques associées à la crise des réfugiés à Istanbul ont conduit à la défaite », a déclaré ce responsable.

De hauts responsables de l’AKP ont transmis des messages similaires au président turc Recep Tayyip Erdoğan, toujours selon cette source.

« Cela avait deux objectifs : l’un est d’apaiser la colère parmi les cadres du parti, et l’autre de montrer aux Syriens leurs frontières », a ajouté la source.

La décision de permettre à plus de trois millions de Syriens fuyant le conflit dans leur pays, qui est maintenant dans sa neuvième année, de s’installer en Turquie a été attribuée personnellement à Erdoğan.

Un récent sondage réalisé par la société de recherche Piar montre que le public turc considère les réfugiés syriens comme le deuxième problème le plus important auquel le pays est actuellement confronté, dépassant le problème du chômage.

Quatre-vingt-sept pour cent des répondants ont également déclaré qu’ils ne soutenaient pas la politique actuelle du gouvernement turc d’accueil des réfugiés syriens.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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