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Le roi Salmane réaffirme l’influence des sept Soudayri, écarte un proche conseiller d'Abdallah

Le roi Salmane nomme les membres de sa puissante alliance à des postes clés et écarte le président de la cour royale
Le roi Salmane ben Abdelaziz al-Saoud lors de son premier discours en tant que nouveau souverain d'Arabie saoudite (AFP).
Par MEE
Le nouveau souverain d'Arabie saoudite n'a pas tardé, vendredi, pour annoncer la nomination de plusieurs de ses fils et alliés à des postes clés du royaume conservateur et écarter, semble-t-il, un conseiller influent du défunt roi Abdallah.
 
Les rapides changements opérés par le roi Salmane ben Abdelaziz al-Saoud semblent annoncer une inversion des rapports de force au sein de la très secrète maison al-Saoud, bien qu’il se soit hâté dans son discours inaugural de mettre l’accent sur la continuité.
« Avec la force de Dieu, nous continuerons de suivre le droit chemin sur lequel notre Etat s'est engagé depuis sa création », a déclaré Salmane au cours d’une intervention télévisée.
 
Il a appelé à « l'unité et [à la] solidarité » entre les musulmans et a demandé à Dieu de l'aider à honorer ses « grandes responsabilités ».
 
Durant les premières heures de son règne, le roi Salmane a promu Moqren ben Abdelaziz al-Saoud, 69 ans, du rang de vice-prince héritier à celui de prince héritier. Le ministre de l'Intérieur Mohammed ben Nayef ben Abdelaziz al-Saoud, 55 ans, s'est vu quant à lui octroyer le statut de nouveau prince héritier en second.
 
Moqren est désormais le premier dans l'ordre de succession au trône et Mohammed ben Nayef se trouve en deuxième position. Ceci, en théorie, semble répondre à la question de la transition générationnelle dans la monarchie saoudienne. S'il devait devenir roi, Mohammed ben Nayef serait le premier petit-fils du roi Abdelaziz al-Saoud (le fondateur de l'Arabie saoudite moderne) à accéder au trône.
 
Salmane est l'un des « sept Soudayri », une alliance puissante entre sept des fils du roi Abdelaziz, tirant son nom de celui de leur mère, Hassa bint Ahmed al-Soudayri. Abdallah n'ayant pas appartenu à l'alliance des sept Soudayri, les nominations immédiatement annoncées par Salmane sonnent comme une réaffirmation du pouvoir de cette alliance sur le trône.
 
Mohammed ben Nayef est le fils d'un Soudayri, le prince Nayef ben Abdelaziz al-Saoud, décédé en 2012, qui a officié au royaume en tant que ministre de l'Intérieur et prince héritier.
 
Le fils de Salmane, Mohammed ben Salmane al-Saoud, 34 ans, a été nommé ministre de la Défense et président de la cour royale, d'après l'agence de presse officielle SPA. Sa nomination signifie que Khaled al-Tuwaijri, proche conseiller du défunt roi Abdallah et officiellement président de la cour royale, a été démis de ses fonctions.
 
La mort d'Abdallah a été annoncée tôt vendredi matin. La cause du décès n'a toutefois pas été divulguée par l'agence SPA.
 
Alors que le secrétaire d'Etat américain John Kerry a salué un homme « de sagesse et de vision », et que le Premier ministre britannique David Cameron a fait l'éloge de son « engagement pour la paix », le défunt roi avait récemment fait l’objet de condamnations pour une série de violations des droits de l'homme, dont une vague de décapitations imposées par l'Etat.
 
Au moins quinze personnes ont été exécutées dans le royaume en 2015, dont une femme reconnue coupable de meurtre et décapitée en public à La Mecque. Récemment, la flagellation de Raif Badawi, blogueur libéral emprisonné, a provoqué un tollé international. L'Arabie saoudite reste également le seul pays où les femmes ont l'interdiction de conduire.
 
Les dirigeants du monde entier ont salué Abdallah comme un réformateur et un partenaire constructif dans la politique mondiale ; l'Arabie saoudite est considérée comme un débouché commercial lucratif et un allié clé dans la lutte contre l'Etat islamique. Cependant, bien que Riyad joue un rôle de premier plan dans la coalition menée par les Etats-Unis contre l'Etat islamique, des documents récents ont révélé que le groupe terroriste pratique des châtiments qui sont également infligés dans l'Etat du Golfe conservateur.
 
Abdallah a réagi aux convulsions suscitées par les soulèvements du Printemps arabe en supprimant les dissensions à l'intérieur du pays, en augmentant les dépenses publiques en vue de maintenir le calme au sein de la population, et en renforçant l’arrestation de militants des droits de l'homme et de personnalités critiques de la monarchie. Il a fait également don de milliards de dollars à Abdel-Fattah al-Sissi, l’ancien chef militaire égyptien devenu président après avoir évincé en 2013 le président démocratiquement élu Mohammed Morsi, suite à un coup d'Etat militaire soutenu par le peuple.
 
L'âge avancé d'Abdallah et son attachement au consensus a permis aux plus farouches conservateurs de résister à ses réformes timides, dans une monarchie dont l'évolution ultérieure n'est pas clairement définie. De manière intransigeante, sa nation a également poussé les pays du Golfe à ignorer les appels des producteurs de pétrole à en réduire la production afin de freiner la chute du prix du brut.
 
La recherche d'une succession sans accroc
 
Depuis la mort en 1953 du roi Abdelaziz ben Abderrahmane al-Saoud, fondateur de l'Arabie saoudite, le trône est systématiquement passé d'un fils à l'autre, qu’ils soient frères ou demi-frères.
 
Le roi Salmane, demi-frère d'Abdallah, aura bientôt 80 ans et est en mauvaise santé.
 
En 2006, afin d'institutionnaliser le processus de transition, Abdallah a créé le Conseil d'allégeance, censé exercer ses prérogatives après sa mort.
 
Abdallah était le 13e fils du roi Abdelaziz, mais le seul fils que sa mère, membre de la tribu bédouine des Chammar, ait donné à son père.
 
Abdallah avait par conséquent une position relativement faible au milieu des nombreux princes de sa génération.
 
Dans les années 1960, il s'est vu confier le commandement de la garde nationale, la deuxième armée du pays. Il a occupé ce poste jusqu'à passer le relais à l’un de ses fils en 2009.
 
Ce poste lui a permis de tisser des liens étroits avec les nombreuses tribus du royaume qui remplissent les rangs de la garde, l'un des principaux piliers de son autorité.
 
Abdallah est devenu prince héritier quand son demi-frère Fahd a accédé au trône, en 1982.
 
Pourtant, son chemin n'était pas encore tracé lorsque Fahd, victime d'une attaque cérébrale en 1995, est devenu incapable d'exercer ses fonctions. Abdallah a dû en effet faire face aux rivalités au sein du clan des Soudayri, dont Fahd faisait partie.
 
« Des forces hostiles »
 
On attribue à Abdallah un certain nombre de réformes, dont le développement du conseil de la Choura, organe de consultation au sein duquel les femmes ont été autorisées pour la première fois en 2013.
 
Sous son règne, l'Arabie saoudite est devenue membre du G20, qui regroupe les principales économies mondiales, ainsi que de l'Organisation mondiale du commerce.
 
En 2002, il a été à l'origine de l'Initiative de paix arabe, un plan de paix révolutionnaire qui proposait une reconnaissance complète de l’Etat d’Israël par 22 Etats arabes en échange de la création d'un Etat indépendant pour les Palestiniens.
 
En public, il s'est affiché comme un fervent partisan de l'approche diplomatique pour résoudre les conflits, appelant à une solution pacifique à la menace nucléaire iranienne.
 
Cependant, selon des documents du département d'Etat américain révélés par WikiLeaks, Abdallah aurait appelé dans une communication privée à une attaque militaire américaine contre les installations nucléaires iraniennes afin de « couper la tête au serpent ».
 
Encore aujourd'hui, son royaume est fortement critiqué pour ses accablants records en matière de violations des droits de l'homme, comme les emprisonnements de dissidents, estimés par les militants à plusieurs dizaines de milliers de cas.
 
En outre, avec la montée de l'Etat islamique, un groupe qui partagerait la doctrine wahhabite ultra-conservatrice de l'Arabie saoudite, de nouvelles pressions sont venues s'exercer sur le pays.
 
« Le régime saoudien commence à sentir qu'il a perdu le soutien des sunnites, en particulier après son adhésion à la coalition contre l’Etat islamique », a déclaré Madawi al-Rasheed, professeur détaché au centre du Moyen-Orient de la London School of Economics, qui a rédigé récemment un article intitulé « L'histoire commune de l'Arabie saoudite et de l'Etat islamique ».
 
« L’Arabie saoudite se sent cernée par des forces hostiles. »
 
Traduction de l'anglais (original).
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