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Avec la victoire de Biden, retour vers le futur pour Israël et la Palestine

Le président élu cherchera à renouer les liens avec l’Autorité palestinienne et l’Iran, laissant Benyamin Netanyahou dans le camp des perdants
Joe Biden s’apprête à signer le livre d’or lors d’une rencontre avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dans la résidence de ce dernier à Jérusalem, en 2010 (Reuters)
Joe Biden s’apprête à signer le livre d’or lors d’une rencontre avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dans la résidence de ce dernier à Jérusalem, en 2010 (Reuters)

Joe Biden, le président élu des États-Unis, et sa future administration auront un impact sur Israël, les Palestiniens et le Moyen-Orient dans son ensemble sur au moins trois aspects : le ton, les priorités et le résultat.

Le ton de Biden sera conciliant et modéré, il cherchera des compromis plutôt que la confrontation, caractéristique de Donald Trump, l’agressif, corrosif et imprévisible président sortant. Et, comme on dit, cela donne le ton.

Cela signifie que Biden va très probablement ramener les États-Unis dans le giron des puissances 5+1 qui ont signé en 2015 l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, un accord dont l’administration Trump s’est unilatéralement retirée en 2018. Le retour à l’accord mettra également fin aux lourdes sanctions économiques américaines imposées sous l’ère Trump, qui paralysent l’économie iranienne.

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Néanmoins, l’Iran n’aura pas carte blanche pour tout. Il devra cesser ses propres actions unilatérales d’enrichissement de l’uranium et de fortification et de dissimulation de sites secrets, et ramener la production d’uranium aux faibles niveaux et quantités autorisés par l’accord initial.

Washington exigera également de prolonger l’accord, qui vise à entraver les aspirations militaires nucléaires de l’Iran, au moins pour cinq années au-delà de la date d’expiration de 2025. On s’attend également à ce que Biden et son équipe chargée de la politique étrangère tirent des leçons de la façon dont l’accord a été négocié et accepté sous la présidence Obama-Biden.

En d’autres termes, les États-Unis ont l’intention de remédier aux lacunes : mettre fin ou du moins réduire la production de missiles à longue portée de l’Iran, son soutien et son financement de groupes armés tels que le Hamas et le Hezbollah, ainsi que son ingérence et son intervention dans d’autres pays de la région, lesquelles ne font qu’aviver les guerres civiles en Syrie, en Irak et au Yémen.

Pourtant, il ne sera pas facile d’obtenir des ententes aussi exhaustives et exigeantes. L’Iran, qui connaîtra bientôt ses propres élections, est également divisé entre radicaux et modérés et il est impossible de prédire la voie qu’empruntera le Guide suprême Ali Khamenei, qui ne fait confiance à aucune administration américaine.

Reprise des relations

La modération de Joe Biden se manifestera par ailleurs dans sa perception et ses convictions vis-à-vis du conflit israélo-palestinien.

Biden n’a jamais caché son soutien à la solution à deux États. Lui et ses conseillers l’ont réitéré pendant leur campagne électorale. Ils s’opposent également à l’extension des colonies juives.

De sources proches de la campagne Biden, Middle East Eye a appris que la CIA coopérera à nouveau avec ses homologues palestiniens et s’engagera dans une collaboration mutuelle en matière de sécurité pour faire face aux menaces terroristes

Il est très probable qu’une fois Biden dans le Bureau ovale, son équipe de sécurité nationale et étrangère renouvellera ses contacts avec l’Autorité palestinienne (AP), rétablira l’ambassade palestinienne à Washington et rouvrira les vannes du Trésor américain pour permettre le bon versement de l’aide financière aux Palestiniens, qui avaient été bloquées et fermées par l’administration sortante.

De sources proches de la campagne Biden, Middle East Eye a également appris que la CIA coopérera à nouveau avec ses homologues palestiniens et s’engagera dans une collaboration mutuelle en matière de sécurité pour faire face aux menaces terroristes. Mais dans le même temps, le président de l’AP Mahmoud Abbas sera invité à modérer la rhétorique anti-israélienne et à reprendre les pourparlers avec Israël.

Biden et sa vice-présidente désignée Kamala Harris, moins impliquée dans la politique étrangère jusqu’à présent, sont connus pour être des politiciens qui se soucient des droits de l’homme. Ainsi, ils n’hésiteront pas à souligner et à exprimer leurs préoccupations chaque fois que les colons juifs, soutenus par les forces de sécurité et de police israéliennes, violent les droits des Palestiniens, par exemple en confisquant des terres, en bloquant l’accès aux puits d’eau et en coupant des oliviers.

Pas étonnant qu’Abbas se soit empressé de féliciter le nouveau président élu et d’exprimer son espoir de le rencontrer à nouveau.

Pression sur le gouvernement israélien

On s’attend également à ce que la nouvelle administration fasse pression sur le gouvernement israélien – une coalition fragile dirigée par Benyamin Netanyahou qui risque de s’effondrer le mois prochain – pour qu’il revienne à la table des négociations avec l’AP.

Dans l’ensemble, en ce qui concerne l’Iran et la Palestine, la victoire de Biden est une mauvaise nouvelle pour Netanyahou. Cela peut expliquer pourquoi il a attendu douze heures – après tous les dirigeants occidentaux – avant de féliciter Biden.

Ce n’est un secret pour personne que le Premier ministre israélien a bénéficié de ses relations personnelles avec Trump, lequel s’est montré très réceptif et a accédé à la plupart de ses demandes, sauf une : Trump n’a pas laissé Netanyahou annexer la Cisjordanie occupée.

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Cependant, conseillé par Netanyahou, Trump s’est retiré de l’accord sur le nucléaire iranien et a imposé les sanctions à l’Iran. Trump a également volontiers réduit le territoire alloué à l’État palestinien selon les plans de paix Clinton-Obama (que l’AP avait rejetés de toute façon) à 70 %, et il a déménagé l’ambassade américaine à Jérusalem-Ouest, une décision sur laquelle Biden ne va pas revenir.

Pourtant, il faut ajouter que, pour Netanyahou, ce n’est pas un jeu à somme nulle. Les gains palestiniens, même limités, ne sont pas nécessairement une défaite totale pour le Premier ministre israélien. Les relations tripartites Netanyahou-Biden-Abbas vont être beaucoup plus complexes.

Tout d’abord, Biden s’est toujours considéré comme un véritable ami d’Israël, qui se soucie des considérations de sécurité du pays. Il ne va pas réduire, par exemple, l’aide militaire de 3,8 milliards de dollars à Israël ou la conditionner au fait de mettre un frein à l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie. Il demandera à Israël d’arrêter de construire de nouvelles colonies, mais il n’y aura pas de sanctions si sa demande n’est pas satisfaite.

Le camp des perdants

Netanyahou n’est pas le seul dans le camp des perdants.

L’autocratique prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, considéré comme l’âme sœur de Netanyahou en ce qui concerne les craintes et inquiétudes relatives aux ambitions nucléaires de l’Iran, se trouve dans une position peu enviable.

Il devra se frayer un chemin auprès du Parti démocrate, qu’il perçoit comme une jungle menaçante.

L’autocratique prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, considéré comme l’âme sœur de Netanyahou en ce qui concerne les craintes et inquiétudes relatives aux ambitions nucléaires de l’Iran, se trouve dans une position peu enviable

Le prince héritier saoudien a deux options. La première est d’accélérer le programme nucléaire de son propre pays, ce qu’il envisageait déjà et dont il préparait le terrain sous Trump, en tant que dissuasion supplémentaire contre l’Iran. Une telle décision va sûrement détériorer ses relations avec Biden.

L’autre, qui est plus plausible, consiste à coopérer pleinement avec la nouvelle administration américaine et à tenter ainsi de l’influencer. Ces deux options seront de bonnes nouvelles pour Israël, qui espère que ben Salmane prendra bientôt en marche le train de la normalisation pour rejoindre les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan.

Le nouveau ton et les nouvelles propriétés des États-Unis après les élections pourraient néanmoins s’avérer n’être que des étapes esthétiques si elles ne sont pas cimentées dans le troisième aspect : le résultat réel de toutes ces attentes, de tous ces espoirs et de toutes ces initiatives possibles.

En d’autres termes, si l’administration Biden ne livre aucun résultat sur le terrain, comme de nouveaux accords avec l’Iran et une initiative pour résoudre le conflit israélo-palestinien, le Moyen-Orient aura une impression de déjà-vu.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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